Dans Sisters in law, les réalisatrices anglaise Kim Longinotto et camerounaise Florence Ayisi se sont penchées sur le combat quotidien de deux femmes d’exception : l’avocate Vera Ngassa et la juge Beatrice Ntuba. A Kumba, petite ville du sud-ouest du Cameroun, elles jugent et condamnent maris violents, pédophiles et bourreaux d’enfants. Un documentaire passionnant et émouvant.
Ce sont les dames de fer de la justice camerounaise. A Kumba, une petite ville du sud-ouest du Cameroun, l’avocate et conseillère d’Etat Vera Ngassa et la juge Beatrice Ntuba se battent chaque jour pour la cause des femmes et des enfants. Elles osent briser des tabous en poursuivant, en jugeant et en condamnant des maris violents, des violeurs, des pédophiles et des bourreaux d’enfants. Un combat de chaque instant contre les mentalités rétrogrades et les coutumes contraires à la loi. Un combat qu’ont choisi de filmer avec beaucoup de sensibilité les réalisatrices anglaise Kim Longinotto et camerounaise (originaire de Kumba) Florence Ayisi.
Le film s’ouvre par une confrontation, dans le bureau de Vera, avec une femme qui veut récupérer son enfant, enlevé par son mari. L’homme, sûr de lui, habite la ville. La femme, elle, est visiblement illettrée et vit au village. Quant au père de la femme, il prend fait et cause pour le mari. « Même si vous avez payé une dot, vous ne vous êtes pas mariés devant témoin, donc le mariage n’existe pas… Vous, les hommes, vous êtes tous pareils, vous semez des enfants sans épouser les mères ! C’est ainsi que vous traitez les femmes et les enfants dans vos villages. C’est donc ce qui fait d’elle votre femme ? 80 livres et un cochon ! Madame, dîtes-moi ce que je dois faire d’eux », explose Vera. Et le père en prend aussi pour son grade : « Vous avez fait de votre fille une marchandise, c’est un délit ». Le ton est donné.
Une première condamnation pour violences conjugales
Dans la suite du documentaire, Vera fera preuve de la même obstination mais aussi d’une grande équité et d’une grande pédagogie, en écoutant les hommes aussi bien que les femmes. Elle se montre également intraitable envers une tante qui maltraite et torture sa petite nièce. Certaines scènes d’interrogatoire sont terriblement fortes et émouvantes. Le spectateur passe de l’indignation au sourire, voire au rire. Surtout grâce à la personnalité de Vera, terriblement attachante. Honnête jusqu’au bout de ses ongles parfaits, elle visite régulièrement les prisons pour surveiller les conditions des prisonniers qu’elle a fait condamner… Les réalisatrices filment avec pudeur ses relations avec les gens de son service et avec son dernier petit garçon, Moïse. On regrette d’ailleurs que le parallèle ne soit pas effectué avec Madame la juge. On ne voit Beatrice Ntuba que dans sa robe officielle lors des audiences, avec sa voix claire et forte qui ne tremble pas au moment du verdict.
Les deux « sisters in law », respectées dans toute la ville et au-delà, font trembler les hommes mais sans esprit revanchard, guidées seulement par leur soif de justice. Elles sont épaulées par d’autres femmes remarquables comme une autre avocate et Rita, la policière, qui mène ses interrogatoires avec férocité mais aussi avec douceur quand il le faut. A Kumba, leurs efforts conjugués ont permis d’obtenir la première condamnation d’un homme pour violences conjugales et ceci, au sein de la communauté musulmane, grâce à Amina, qui sera rejointe par Ladi. Ces deux femmes, qui n’ont jamais été à l’école et ont subi pendant des semaines les pressions de leurs familles et de leur communauté, ont tenu bon et fait condamner leurs maris violents. « Sisters in law est un grand film humaniste, profondément bouleversant, et un témoignage important sur la condition des femmes et des enfants. Il s’agit bien sûr d’une conjoncture particulière à l’Afrique, au Cameroun plus précisément, mais l’universalité du propos de ce documentaire exemplaire n’échappera à personne », écrit Olivier Père, délégué général de la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes. Le film a reçu le Prix Cicae et la Mention spéciale Europe Cinémas au Festival de Cannes 2005. Il a également reçu le Prix du public au Festival du film d’Amsterdam, en novembre 2005.
« Sisters in law », de Kim Longinotto et Florence Ayisi, sortie française le 8 mars 2006.