La plupart des enfants d’Amérique du Nord apprennent des leçons de morale à travers des dessins animés et des livres d’histoire. Dans les Caraïbes, nous les apprenons par le biais des contes transmis par nos aînés. Tout au long de mon enfance, j’avais hâte que ma grand-mère me raconte des histoires d’Anansi. J’étais émerveillé par son adresse, j’enviais son apparente indestructibilité et j’admirais sa capacité à utiliser la ruse comme un mécanisme de survie. À chaque nouvelle histoire d’Anansi qu’on me racontait, j’avais hâte de me retrouver avec les autres enfants sous le manguier derrière la cour de l’école pour me vanter à son sujet. Raconter ces histoires, c’était vivre par procuration le personnage d’Anansi. J’avais l’impression de posséder moi aussi ces capacités et je suis presque certaine que mes camarades pensaient de même.
Enfant, je n’ai jamais posé la question de l’origine ou du but de ces histoires qui portaient apparemment sur une araignée, même sie dans toutes les descriptions et caractéristiques , elle était humaine. Au lieu de cela, je les ai accepté comme un récit passionnant sur une araignée /un homme perspicace, qui était capable d’arriver à faire avancer les choses par tous les moyens, même si cela signifiait l’utilisation de la ruse et la fourberie. Malgré l’intelligence et la sagesse de Anansi, ma grand-mère faisait toujours remarquer à la fin de chaque histoire les tactiques malhonnêtes qu’il employait souvent se retrounaient toujours contre lui et que l’honnêteté et la sincérité prévalaient toujours.
Les histoires d’Anansi (également orthographié Ananse ou Anancy et mentionné comme Kwaku Ananse) ont été emmenées à la Caraïbe par nos ancêtres africains de l’Ouest pendant l’esclavage. Ancré dans les traditions du peuple Ashanti au Ghana, les histoires d’Anansi constituaient un moyen d’évasion temporaire pour les esclaves capturés dans les Caraïbes. Tout comme Anansi, de nombreux esclaves devaient employer leur intelligence, leurs compétences non conventionnelles et la sagesse pour survivre.
Jusqu’à ce jour, les histoires d’Anansi continuent de jouer un rôle important dans le conte et la formation de la morale dans la plupart des îles des Caraïbes. Bien que le contexte de plusieurs de ces histoires a été inévitablemenet altéré pour cadrer avec les différentes traditions culturelles et les pratiques inhérentes aux différentes communautés des Caraïbes, les éléments essentiels, tels que la nature animale /semblable à l’humain d’ Anansi, son intelligence, la ruse, la sagesse et ses défauts de caractère restent tous pareils.
Comme enfant qui a grandi avec les histoires d’Anansi, les équivalents nord-américains comme le personnage de Wile Coyote ne semblait jamais assez convaincant. Ils n’avaient pas la profondeur, la complexité et la variété qu’Anansi possédait. Je l’admirais pour sa sagesse et l’intelligence, et dans le même temps, je craignais l’issue de sa duperie et de sa tromperie. Il était un héros et un méchant et son apparente indestructibilité était une source d’espoir.
À travers le récit des histoires d’Anansi, j’ai pu cultiver de très précieux talents oratoires. La préservation et la perpétuation des histoires d’Anansi sert de moyen de nous connecter dans les Caraïbes à nos ancêtres africains. Elle contribue également à démontrer l’importance de l’histoire et de la culture dans la cultivation de la morale et des valeurs. Le temps et la distance sont des facteurs inévitables pour les personnes à travers la Diaspora Africaine, toutefois, de contes et traditions orales comme celle d’Anansi, aident à maintenir notre connexion.