En Afrique du Sud, comme partout ailleurs, les fabricants chinois de vêtements et de textile dérangent. Depuis 2007, le gouvernement sud-africain a introduit des quotas limitant les importations de textile et de vêtements chinois pour une période de deux ans. Conduite principalement par son souci de protéger des droits acquis au sein de ces secteurs à forte intensité de travail, l’Afrique du Sud est toujours réticente à signer un accord de libre-échange. Cela relève-t-il du bon sens ? Dans cette contribution, Jasson Urbach, économiste à la Free Market Foundation d’Afrique du Sud, s’emploie à éclairer vos lecteurs les effets pervers du refus de l’Afrique du Sud d’ouvrir son marché.
En Afrique du Sud, le Président Jacob Zuma a récemment conclu des négociations avec les autorités chinoises sur un certain nombre de questions stratégiques, parmi lesquelles le renforcement des échanges bilatéraux. Mais il apparaît que, une fois de plus, l’Afrique du Sud est réticente à signer un accord de libre-échange, conduite principalement par son souci de protéger des droits acquis au sein de secteurs à forte intensité de travail – principalement les secteurs du textile et de l’habillement.
Partout dans le monde, ce qui dérange ces industries est que les fabricants chinois peuvent produire des vêtements et du textile moins cher qu’elles. En conséquence, les fabricants locaux demandent à leurs gouvernements des protections telles que les taxes sur les vêtements et le textile chinois, ou, dans les cas extrêmes, une interdiction totale de ces marchandises chinoises. Les producteurs sud-africains sont un groupe parmi tant d’autres qui ont du mal à rivaliser avec les Chinois et, comme d’autres d’ailleurs, réclament l’institution de mesures multiples pour protéger des industries locales « fragiles ».
En janvier 2007, le gouvernement sud-africain a introduit des quotas limitant les importations de textile et de vêtements chinois pour une période de deux ans. Les quotas ont été mis en place pour donner aux fabricants sud-africains un délai durant dans lequel ils peuvent devenir plus compétitifs. Mais, comme l’ont montré des expériences dans le passé, les industries protégées ne deviennent jamais plus efficaces car la protection qui leur est donnée enlève toute incitation. Au lieu de cela, les résultats sont des appels persistants pour que la protection soit prolongée. Par conséquent, en 2009, après l’expiration du délai, il n’y a pas vraiment eu de surprise lorsque les établissements industriels ont réclamé des quotas qui « n’ont pas rendu les entreprises d’habillement et de textile en difficulté plus compétitives, car les deux périodes [étaient] trop courtes pour eux pour pouvoir obtenir un retour sur les investissements dans de nouvelles machines ».
Les quotas sont une forme particulièrement préjudiciable de l’intervention parce que les gouvernements décident arbitrairement du niveau de contrôle jugé nécessaire pour protéger les fabricants locaux, une tâche que personne ne peut assumer en raison de la nature dynamique de la demande de biens. Entre-temps, les consommateurs pauvres, c’est à dire qui profitent généralement d’importations moins chères, doivent payer des prix plus élevés pour les produits qu’ils souhaitent. Pour les individus sensibles au prix, dans cette tranche de revenus, même une faible augmentation de prix des biens essentiels peut avoir des conséquences dévastatrices.
Comme les quotas ne sont pas aussi transparents qu’un prix, qui est simplement perçu sur les marchandises entrant dans l’économie, ils ont souvent ouvert la porte à la corruption. Les fonctionnaires de douanes ont le pouvoir de décider quels biens des importateurs seront autorisés à entrer et les quantités importées qui seront autorisées. Les importateurs influents peuvent recevoir un traitement préférentiel par rapport aux autres. En outre, les quotas sont fixés sans aucune possibilité d’évolution de la demande et les gouvernements manquent généralement de réactivité. Certains importateurs, percevant le potentiel de combler un déficit sur le marché, peuvent avoir recours à la contrebande pour satisfaire la demande croissante.
Les subventions et les barrières artificielles tels que les droits de douane et les quotas nuisent à la majorité des citoyens sud-africains. Si le gouvernement veut vraiment aider les fabricants de vêtements et de textile sud-africains sans nuire au reste des citoyens du pays, il doit rendre l’environnement dans lequel les fabricants opèrent plus propice aux affaires. Les taxes imposées sur les fabricants de vêtements et de textile devraient être considérablement réduites, ainsi que le coût de faire des affaires en Afrique du Sud.
Malheureusement, les syndicats, les plus grands partisans de la protection des industries locales pour protéger les emplois locaux syndiqués, ont révélé leurs vraies intentions. Ils ont forcé les 85 fabricants de l’habillement dans la région de Newcastle dans le nord du KwaZulu-Natal à fermer boutique, ce qui pourrait mettre en péril les emplois d’au moins 9.000 personnes. Ils ont fait cela parce que leurs employeurs ne les payent pas au salaire minimum de 324 rand par semaine les privant ainsi de « travail décent ». Se voir refuser le droit au travail dans une région où, selon la municipalité de Newcastle, le taux de chômage est environ 60%, est honteux.
Les syndicats dans ce pays ne sont pas intéressés par le sort des sud-africains ordinaires. Ils font du lobbying pour protéger les emplois syndiqués des importations étrangères, même si c’est au détriment des pauvres. C’est leur travail : comme toute « entreprise », ils cherchent à maximiser les profits et la meilleure façon de le faire est de protéger leurs membres contre la concurrence potentielle – soit étrangère, soit locale. Les victimes invisibles sont les pauvres sud-africains ordinaires qui sont forcés de payer des prix plus élevés pour les vêtements ou de rester au chômage en ne comprenant des raisons pour lesquelles ils ne peuvent pas obtenir un emploi.
Le gouvernement sud-africain ne peut pas se permettre de réserver des bénéfices hautement concentrés à quelques privilégiés – il faut commencer à penser à la majorité des sud-africains qui bénéficient de vêtements bon marché et permettre à ceux qui veulent travailler de le faire dans des conditions qu’ils choisissent eux-mêmes.
Par Jasson Urbach