Les Comores dans la voix et dans le sang, Chebli est le symbole d’un métissage culturel réussi. Près de 20 ans après avoir quitté son île pour la France, il a su conserver ses racines tout en les nourrissant d’influences occidentales. Son deuxième album « Promesses », entièrement chanté en swahili, confirme son talent.
Vue d’Afrique, la France apparaît souvent comme la terre promise, un exil doré où chacun trouvera le loisir de se perdre et de laisser derrière lui l’adversité africaine. Chebli Msaidié, lui, n’oublie rien. Ni d’où il vient, ni sa langue, ni sa culture. A près de 40 ans, l’artiste a quitté son pays il y a presque 20 ans pour la France. Socle puissant de son identité, il garde les Comores dans le sang. Et la voix. Comme en témoigne Promesses entièrement chanté en swahili. Un symbole d’intégration culturelle.
Baigné dans un environnement musical depuis sa plus tendre enfance, Chebli, avec un père chanteur et accordéoniste dans un groupe de blues traditionnel comoriens, a bien de qui tenir. C’est à la mort de son géniteur qu’il décide de partir pour la France. Destination Marseille. Il emporte dans ses bagages, l’authenticité de sa culture, l’amour de son île. Un amour immuable qui constitue une partie de l’essence même de Chebli.
Développer ses racines
Histoire d’une vie, la musique le suit. Alors qu’il ne cesse de traîner ses guêtres dans le nouveau Virgin de Marseille écoutant tout ce qu’il peut écouter, le responsable Musique du monde du magasin, ayant pitié de sa frénésie mélomane, lui propose un stage à ses côtés. Pour joindre l’utile à l’agréable. La passion nourrissant ses compétences, il lui succèdera logiquement à son poste.
Mais Chébli ne peut se contenter d’être uniquement témoin de sa passion, il veut aussi en être acteur. Alors il monte son groupe. Il prend le parti de son histoire, de ses racines, et met sur pieds Malaïka, une formation traditionnelle de près de 20 chanteurs, musiciens et danseurs. Difficile de tourner avec un tel big band. Prenant conscience des limites de son initiative, il décide de changer de cap.
Sa prochaine formation s’appellera Ouellah, nom qui n’est autre que celui de son village natal aux Comores. Plus petit et avec des musiciens essentiellement non comoriens, Chébli marque une nette incursion artistique hors des sentiers de son petit archipel. Sa musique fusionne. Car peu importe les nouveaux accents antillais, maghrébins ou congolais de sa musique, il garde le swahili pour chanter le fond de son âme.
Avec Jacob Desvarieux
Heureux coup du sort. Alors qu’il développe ses propres ambitions, il est contacté par France Inter qui cherche un groupe comorien pour une émission. Un premier succès qui le pousse à entrer en studio pour réaliser un véritable album. Une autoproduction, Swahili songs (1998) qui lui permettra d’être reconnu aux Comores et qui lui vaudra surtout une nomination au Kora 1999 (Les victoires de la musique africaine).
Après trois ans d’absence, il revient avec « Promesses », son deuxième opus. Pourquoi un tel temps de gestation ? Tout simplement parce que Chébli ne vit pas de sa musique. Il travaille certes toujours dans le domaine musical – chef de produits chez Next music – mais avance dans ses propres oeuvres par unique passion. Un amateur professionnel. Professionnel car l’ensemble de ses productions, toujours en swahili, s’avèrent très soignées. Sinon Jacob Desvarieux, du mythique groupe antillais Kassav, ne se serait sûrement pas compromis dans l’affaire en intervenant à la guitare et au chant sur l’un des titres de l’album (Ussiwu). Tout comme l’une des stars de la rumba congolaise, Sam Mangwana, sur Pole Pole. Promesses est un album world par excellence des Comores d’hier et d’aujourd’hui.