L’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal cherche à protéger les petits commerçants dakarois, victimes de la concurrence de leurs homologues chinois. Elle annonce des bouleversements sociaux si le gouvernement ne fait rien pour endiguer le flux de main-d’oeuvre made in China.
Alors que l’informel représente plus de 80% du secteur du commerce au Sénégal, il est trusté depuis quelques années par les commerçants chinois. L’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unicois) les accuse de concurrence déloyale et de fraude sur les exportations. Explications avec Ousmane Sy Ndiaye, Secrétaire permanent de l’Unicois.
Afrik : L’Unicois vient d’interpeller les autorités sénégalaises sur une » déferlante » des commerçants chinois à Dakar. Comment se manifeste-t-elle ?
Ousmane Sy Ndiaye : Depuis trois-quatre ans, nous voyons s’installer un nombre de plus en plus important de commerçants chinois mais le phénomène a pris de l’ampleur en 2001-2002. Il est impossible d’avoir des chiffres exacts mais il n’y a qu’à observer. Certaines zones, comme le quartier des Allées centenaires sur le boulevard du Général-de-Gaulle où le rond-point Faidherbe, sont envahies par les Chinois qui tiennent 80% des boutiques. Ils sont également éparpillés dans la banlieue proche de Dakar, aux HLM et aux Parcelles assainies.
Afrik : De quelle façon se sont-ils installés à la place des Sénégalais ?
Ousmane Sy Ndiaye : Les commerçants chinois sont prêts à payer des prix très élevés pour louer les boutiques. Du coup, les propriétaires les acceptent en priorité, laissant les Sénégalais sur le pavé, dans l’impossibilité de vendre leurs produits. De nombreux commerçants dakarois sont venus nous alerter et nous faire part de leur inquiétude.
Afrik : Vous parlez aussi de concurrence déloyale…
Ousmane Sy Ndiaye : Les Chinois se positionnent sur les mêmes créneaux que les Sénégalais, en proposant des produits de moins bonne qualité, à des prix inférieurs à ceux pratiqués normalement. Ils ne respectent pas la législation douanière et fiscale du Sénégal. Pour payer des taxes réduites, ils déclarent des importations de containeurs de pièces détachées. Or, les pièces en question sont prêtes à être emboîtées en une demie-heure pour donner des produits finis. C’est une économie de temps et d’argent qui leur permet d’être redoutablement compétitifs… A l’Unacois nous sommes très étonnés que la douane ne réagisse pas.
Afrik : Vous, vous avez réagi…
Ousmane Sy Ndiaye : Nous avons dénoncé publiquement le phénomène et nous sommes en train d’organiser de manière définitive une démarche sur la question. Nous allons saisir les autorités et mettre en place des moyens de lutte. Nous voulons éviter ce qui s’est passé à Kampala (Ouganda, ndlr) ou Nairobi (Kenya, ndlr) où les commerçants chinois ont mis quasiment tous les locaux au chômage. Il est encore temps de réagir pour le Sénégal mais si on ne fait rien cette situation aboutira à de graves bouleversements sociaux. Le secteur informel crée 700 000 emplois par an et c’est le seul à fournir du travail aux jeunes. S’ils ne peuvent plus travailler, comment réagiront-ils ?
Afrik : Que faudrait-il faire pour enrayer le phénomène ?
Ousmane Sy Ndiaye : La douane doit mieux contrôler les containeurs et faire appliquer la loi. Ensuite, il faut examiner les bases légales de l’installation des commerçants chinois à Dakar. Alors que la Chine et le Sénégal ont rompu leurs relations diplomatiques, comment font-ils pour venir aussi nombreux ? Enfin, il faut réglementer leurs activités. Ils doivent respecter les normes de qualité.
Afrik : Le phénomène est-il circonsrit à la ville de Dakar ?
Ousmane Sy Ndiaye : Pour l’instant, oui. On en parle à Banjul en Gambie mais c’est à vérifier. Nous soupçonnons les Chinois de viser le marché sous-régional et de vouloir se servir de Dakar comme tête de pont pour le pénétrer. D’ailleurs, c’est déjà le cas avec certains produits montés à Dakar qui sont exportés vers les pays voisins, comme les jouets d’enfants. Dès la semaine prochaine l’Unacois va contacter les autres organisations professionnelles des pays de la sous-région afin d’évaluer le phénomène, d’harmoniser nos positions et proposer aux pays qui ne sont pas encore touchés de prendre des mesures préventives.