Les musulmans du monde entier s’apprêtent à sacrifier un mouton à l’occasion de la fête de l’Aïd El Kébir. En Algérie, avant d’être sacrifiés, nombre de béliers sont traditionnellement appelés à combattre pour le plaisir des petits et l’appétit financier des plus grands.
Rambo, Hulk, Zorro, Babai ou encore Sbaa ont fait mieux que se défendre. Comme chaque année à la veille de l’Aïd El Kébir, les béliers algériens se sont affrontés dans des combats singuliers pour la suprématie locale de leurs propriétaires. Les joutes se déroulent dans les quartiers populaires durant les deux semaines qui précèdent l’événement religieux, mais n’ont rien de sacré. Les enfants sont ravis du spectacle offert. Les adultes se réjouissent des gains qu’ils ont réalisés ou se lamentent de ne pas avoir parié sur le bélier le plus féroce.
Jeux interdits
» C’est très bien vu d’avoir un mouton en Algérie. Les enfants sont très contents des leurs. Avant le jour du sacrifice, ils jouent beaucoup avec eux et les font parfois combattre les uns contre les autres. Ils sont alors très fiers s’ils remportent leurs combats et déçus, voire honteux, s’ils les perdent. Mais ça reste un jeu « , explique Khadija, d’Alger. Les tournois organisés n’ont rien d’officiel. Dans le cadre du voisinage proche, au cours de tournois inter-quartiers informels, les béliers s’affrontent pour le prestige de leurs jeunes maîtres. Mais vainqueurs ou perdants, tous seront sacrifiés au matin de l’Aïd El Kébir.
Retour sur investissement
D’abords ludiques, les combats sont vite devenus un enjeu financier. Les adultes se sont emparés de l’événement pour en faire l’objet de paris. Si bien que les jeunes béliers starisés localement ne sont plus automatiquement sacrifiés. Ils pourront ainsi remettre leur titre en jeu l’année suivante. Le prix des béliers en bonne santé n’a plus rien à voir celui des moutons ordinaires. » Un bête a été achetée 200 000 dinars (environ 2 500 euros) par un éleveur qui voulait la faire combattre « , affirme Amar, un habitant d’Annaba. Soit dix fois plus que le prix d’un mouton. Plus souvent, le prix varie du double au quadruple. Mais le retour sur investissement peu être rapide tant le public est nombreux et prompt à tenter sa chance aux paris. Les citoyens tentés par l’aventure n’hésitent pas à s’endetter pour acquérir le bélier qui fera leur fortune. Les Algériens grèvent généralement leur budget pour acheter le mouton destiné au sacrifice. Autant payer le prix fort s’il existe une possibilité de récupérer, voire de multiplier, sa mise de départ.
Une caste à part
» Les joutes, traditionnelles, sont organisées dans toute l’Algérie. Mais Annaba constitue indéniablement un pôle pour les organisateurs de combats « , souligne Amar. Les éleveurs des villages et des bourgs de la quatrième ville algérienne effectuent parfois des centaines de kilomètres pour faire concourir leurs béliers de compétition dans des tournois citadins plus juteux que ceux organisés dans leur campagne. Plus il y a de parieurs, plus il y a d’argent. Les propriétaires sont aux petits soins avec les béliers qui combattent dès l’âge de trois ans, pour une carrière qui dépasse rarement les quatre ans. Choyées, dorlotées et soignées, les bêtes sont fièrement exhibées avant de gagner la capitale industrielle de l’Est algérien. Un déplacement discret. Loin du regard des autorités qui tolèrent l’événement. Des voix s’élèvent néanmoins pour condamner ces combats violents qui se terminent souvent dans le sang voire par la mort d’un des animaux en compétition.