La chanson » Namwaie » permettra aux Centrafricains de se souvenir longtemps du jour où le président Ange-Félix Patassé est tombé. Le 15 mars 2003. Depuis des mois déjà, la population s’est appropriée la chanson de l’artiste Kaida Monganga et en a modifié les paroles, au gré de l’évolution politique du pays, pour en faire le symbole de sa résistance passive.
Le président de la République de Centrafrique Ange-Félix Patassé a été renversé voilà un mois, le 15 mars 2003. Un jour béni pour la plupart des Centrafricains. Un jour dont ils pourront longtemps se souvenir en fredonnant, en sango, la chanson » Namwaie « . Le tube du chanteur centrafricain Kaida Monganga a été » repris par la population, qui a ainsi fait de la résistance passive « , explique Maka Gbossokoto, journaliste au quotidien centrafricain Le Citoyen. Le texte original a alors été remplacé par des paroles qui convenaient mieux à la situation socio-politique du pays. De leur vie de misère sous le régime Patassé à la chute de ce dernier et à sa fuite, » Namwaie » a accompagné les Centrafricains dans cette période faste.
» Mbi regreté so ando mbi voté… «
» C’est d’abord dans les quartiers Nord de Bangui, à » Fouh » et » Boy rade » (parce que les enfants y restent en rade), que les gens ont commencé à reprendre la chanson à leur compte, explique Maka Gbossokotto. Le phénomène a vite été repris par » Gobomgo « , dans la même zone, puis par » Combattant » (que Bokassa a dédié aux anciens combattants), près de l’aéroport. Tous des quartiers populaires. »
» Ayo, Baba Patassé oh, mbi regreté so ando mbi voté mo… « , ont-ils d’abord chanté. » En tout cas, papa Patassé, je regrette d’avoir voté pour toi, car en ce moment je souffre de faim. » Plus tard encore : » Patassé nous tue par la famine, maman, il nous asphyxie par la famine, c’est une mort programmée, et qui va nous délivrer ? » L’appropriation de la chanson par les résistants-plagiaires centrafricains ne date pas de la chute de Patassé.
En janvier dernier, selon l’AFP, Kaida Monganga et son groupe, Zokéla Cenza, se sont produits à l’occasion du 24ème anniversaire de la Journée des Martyrs. Une cérémonie au cours de laquelle ils ont ravi la vedette à tous les autres orchestres présents. Une cérémonie que le président Patassé devait honorer de sa présence, mais qu’il a finalement préféré éviter. Fin 2002, un concert de casseroles a été organisé en guise de protestation contre le régime en place. » Namwaie » a accompagné les manifestants tout au long de leur tapage.
» Un succès sans précédent «
» Le succès de cette chanson est vraiment sans précédent « , explique un journaliste de Radio Centrafrique (la radio publique nationale), qui passait la chanson même avant la chute de Patassé. » Il suffit que Kaida Monganga commence à chanter pour que tout le monde le reprenne en choeur. » » Namwaie » est à l’origine un chant traditionnel de la région de l’Ouham-Pendé (Nord-Ouest) que les mères chantaient pour bercer les enfants. Kaida Monganga a repris la berceuse, l’a modernisée et en a fait ce titre diffusé à longueur de journée sur les ondes centrafricaines.
Le chanteur à succès, originaire de M’Baïki dans la Lobaye (Sud-Ouest), reste assez discret sur son triomphe actuel. L’engouement suscité par sa chanson est » une façon, pour la population, de lui rendre hommage « , explique Maka Gbossokotto. Ajoutant qu’ » il était déjà un chanteur engagé et qu’il s’était déjà illustré sous Kolingba « .
Patassé est tombé mais l’histoire de » Namwaie » n’est peut-être pas terminée. On reste en effet sans nouvelles du président déchu qui serait actuellement à Lomé. Et l’un des derniers aménagements de la chanson disait cela : » Patassé est arrivé à Yaoundé, Papa, oui, Maman. Il est arrivé à Yaoundé, et il a ensuite pris la direction de Lomé au Togo. Il continue d’ailleurs de voyager. «