Depuis quatre mois, des casinos fleurissent dans les quartiers populaires de la capitale sénégalaise, en toute illégalité. Des Dakarois révoltés parlent de dépravation, d’exploitation de la misère… et cherchent les coupables. Mafia corse ? Complicité gouvernementale ? Les paris sont ouverts pour découvrir qui tire les ficelles de ce juteux commerce.
Le ministère de l’Intérieur diffusait lundi dernier un bien curieux communiqué : » L’installation et l’exploitation des salles de jeu au Sénégal ont entraîné ces derniers jours des abus incontrôlés. Il y a lieu de rappeler que l’exploitation des machines à sous obéit aux règles prescrites par la loi « . Un rappel à l’ordre qui arrive un peu tard. En quatre mois, plus d’une dizaine de casinos ont ouvert leurs portes dans les quartiers populaires de Dakar, en parfaite illégalité. Il aura fallu que le scandale éclate à la Une du quotidien Sud, qu’une des plus importantes organisations religieuses (Jamra) crie à la dépravation et que les citoyens sénégalais, guidés par les élus de l’opposition, descendent dans la rue pour que le gouvernement réagisse enfin.
En temps normal, il y a quatre casinos à Dakar. La législation est claire : les Sénégalais n’ont pas le droit d’y rentrer. » C’est normal, sinon ils seraient tentés de se laisser aller au vice du jeu « , reconnaît Abdou Latif Guèye, président de l’Organisation non gouvernementale islamique Jamra. Lui-même a beaucoup manifesté contre l’apparition des casinos sauvages. » Il y a des gens qui exploitent la misère dans les quartiers populaires avec ces maisons de jeu. A 5 000 F cfa la mise, les plus pauvres peuvent jouer… et perdre. Et comme ça n’est pas réglementé, même des enfants se font piéger ! « , s’insurge Abdou Latif Guèye.
La couleur de l’argent
Malick Diagne, journaliste au quotidien Sud, est parti en quête de l’heureux propriétaire de ces juteux commerces. Au Fortune’s club, dans le quartier de Kermel, un employé lui révèle qu' » un blanc, [serait] propriétaire de toutes les salles « . Diagne soupçonne de son côté la mafia corse d’être à l’origine de l’affaire. Et il lui semble évident que l’opération n’a pu se réaliser qu’avec l’aval des autorités. Les rumeurs les plus folles commencent à faire leur chemin dans les rues de Dakar… certains parlent même d’une complicité de Karim Wade, le fils du président.
» Je travaille pour le président comme conseiller aux affaires humanitaires et je l’ai personnellement interpellé sur le sujet. Je peux vous assurer qu’il ignorait tout de l’affaire « , assure Abdou Latif Guèye. Le président de Jamra dit avoir lui aussi mené son enquête, et s’il croit en la piste corse, il ne pense pas que l’affaire remonte jusqu’au gouvernement. Pourtant, les déclarations tardives du ministère de l’Intérieur laissent planer le doute. » Ces casinos sont interdits ! Pourquoi n’ont-ils pas été réprimés dès leur ouverture ? « , interroge Malick Diagne. Au cabinet du ministre, on garde un silence gêné.