Les Antilles ont gardé une tradition qui s’est perpétuée au cours des siècles, celle des cantiques de Noël apportés par les colons et revisités depuis par les esclaves et leurs descendants. Mélange de sacré et de profane aux rythmes de biguine, de mazurka et de valses créoles, ces chansons aux mots très audacieux n’ont pas fini de faire du bruit. Au-delà de leur côté atypique, ces cantiques baptisés « Chanté Nwèl » font partie intégrante de l’identité créole. Afrik.com a écouté religieusement des défenseurs guadeloupéens de cette tradition.
Exit les cantiques de Noël fredonnés dans l’austérité des églises! Depuis les années 80, les Chanté Nwèl aux rythmes endiablés font fureur en Guadeloupe. Les instruments de musique créole comme le tibwa, petites baguettes très fines frappées sur une autre plus grande, en bambou, et le kasika, un tambour fait de bois, de métal et de cuivre, s’unissent pour former le plus savoureux des mariages. Outre les rythmes créoles, la société antillaise a modelé les textes à sa façon par des improvisations créoles, aux mots très audacieux (à faire pâlir la Sainte-Vierge) qui s’interposent entre les refrains, comme dans la chanson Joseph, mon cher fidèle, par exemple. « Les cantiques ne choquent pas, ça fait partie de la tradition, on fait juste des notes humoristiques avec les choses du réel », souligne M. Gobin, président de Kasika, association créée en 1987 qui organise des Chanté Nwèl.
Il était une fois en Guadeloupe…
Comme pour le carnaval, les Chanté Nwèl sont encadrés par le calendrier catholique. Ainsi, c’est la période de l’Avent qui les annonce. La pratique de ces chansons a évolué au fil du temps. Jusqu’à la première moitié du 20ème siècle, des groupes chantaient de maison en maison avec des instruments de fortune qui étaient fabriqués avec les moyens du bord, comme des boîtes de conserve dans lesquelles on mettait des petites graines qui servaient de percussion. « On allait chez les voisins ou chez la famille pour le Chanté Nwèl après la messe de minuit, c’était un moment très festif », explique Benzo, directeur artistique de Kasika et conteur renommé en Guadeloupe. « Maintenant que les gens d’une même famille habitent éloignés les uns et des autres, il devient plus difficile de perpétuer la tradition. C’est pour cela que nous organisons des concerts gratuits de Chanté Nwèl », ajoute-t-il. Depuis plus de 20 ans, son groupe, composé de 25 chanteurs et musiciens bénévoles, organise des concerts en Guadeloupe et en métropole pour que cette musique identitaire ne disparaisse pas.
Le groupe Kasika
« Notre premier concert de Chanté Nwèl date de 1988, c’était à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, à cette époque il n’y avait que des anciens, des gens entre 50 et 80 ans. Aujourd’hui, c’est différent, on assiste à un véritable engouement pour cette musique qui touche tous les publics» note Benzo. Pour lui, cet intérêt croissant pour les cantiques est certainement dû au fait que les Guadeloupéens ont envie d’écouter autre chose que de la salsa, du reggae. « Ils veulent une musique qui leur ressemble, qui les identifient » explique t-il. Pour le leader artistique de Kasika, le Chanté Nwèl est avant tout une histoire de famille. « Mon père jouait de la musique, ma grand-mère chantait des cantiques de Noël, j’ai toujours baigné dans cette tradition. Il faut que chaque représentation reflète cette atmosphère familiale », confie Benzo. Pour les concerts, le podium est transformé à un intérieur de case créant ainsi l’univers intimiste d’autrefois.
Pour le 24 décembre prochain, les chanteurs et les musiciens du groupe Kasika ont prévu de rester en famille. « On va fêter Noël entre nous, on va faire un très bon repas et bien sûr on va chanter… des cantiques de Noël » déclare le président de Kasika.
Qu’on se le dise, les Chanté Nwèl ont de beaux jours devant eux !
A découvrir :
Le site du groupe Kasika
Ecouter des Chanté Nwèl en ligne
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