Sept candidats dits « de la diversité » aux législatives françaises étaient invités à débattre ce vendredi, à la Maison de la Radio, à Paris, devant un parterre de journalistes. Certains ont été investis grâce à un quota réservé aux militants issus des anciennes colonies, mais ils aimeraient rapidement ne plus exister que par cette seule qualité.
« Je fais partie, avec Alima Boumedienne-Thiery, de ces marcheurs qui ont manifesté au début des années 1980 » contre la discrimination. « Plus de vingt ans après, nos enfants sont toujours victimes des mêmes discriminations », regrette Mouloud Aounit. Le Parlement français ne compte aujourd’hui aucun député de la diversité, alors que « les Pays-Bas en comptent douze, la Suède quinze et l’Allemagne onze… », égrène le président du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), qui se présente en Seine-Saint-Denis en candidat indépendant « coloré» de « gauche », selon ses mots.
Les grands partis ont fait de bien timides efforts pour faciliter les candidatures des minorités. L’UMP en présente 15, le PS et l’UDF-Modem, une vingtaine. Des chiffres en augmentation par rapport à 2002. Mais il faut noter que peu de ces candidats sont en position d’éligibilité.
L’élection de députés étiquetés « de la diversité » changerait-elle la donne en France ? A condition qu’ils ne soient pas indéfiniment désignés de la sorte, d’une part, et que, d’autre part, ils ne soient pas cantonnés au traitement des problèmes de leurs communautés, semblent répondre les sept candidats issus des ex-colonies invités à débattre ce vendredi, au Centre d’accueil de la presse étrangère, à la Maison de la radio, à Paris.
« Enfin une candidate qui nous ressemble »
« On existe aussi à travers le regard des autres, mais c’est à moi de me définir », assure Lynda Asmani, candidate UMP dans la 5e circonscription de Paris qui se dit militante française de culture berbère. La solution, selon elle : « gagner nos galons sur le terrain ». Et « si demain nous sommes tous élus, nous ne serons plus les candidats de la diversité mais les égaux de Dominique Strauss-Kahn ou Françoise de Panafieu ».
A entendre Fadila Mehal, candidate Modem dans la 19e circonscription de Paris, le chemin qui mène à l’égalité est pourtant encore bien long. « Le système politique actuel fonctionne par cooptation : les femmes sont pénalisées, les jeunes sont pénalisés, les handicapés le sont… Nous sommes arrivés les derniers sur la question de la diversité et nous n’avons pas encore l’organisation nécessaire pour être mieux représentés. » Par conséquent, à ce stade, si la candidate estime qu’il faut « déconstruire le regard de l’autre » et ne pas être cantonné au rôle de candidats de la diversité, elle comprend également, lorsqu’elle se promène dans le quartier de la Goutte d’Or (18e arrondissement de Paris), que des habitants s’exclament : « enfin une candidate qui nous ressemble !».
Sarkozy n’est pas « le président français issu de l’immigration hongroise »
Autre écueil à éviter : la candidature alibi « d’une diversité exotique que l’on colle sur les affiches mais à laquelle on ne donne aucun pouvoir », comme la décrit Mouloud Aounit. Sur ce point, le porte-parole du Parti Rachid Nekkaz renvoit tout le monde dos à dos : « les candidats des grands partis n’ont presque aucune chance d’être élus là où ils ont été parachutés. Ce sont des beurs de service », dénonce-t-il, évoquant le chiffre de 58 candidats « de la diversité » investis par son parti.
Autre reproche fait à Fadila Mehal, durant la campagne : « pourquoi être allée dans le 18e arrondissement, où sont vos compatriotes ? ». « Je n’y suis pas allée pour ce que je suis, mais pour ce que je fais, répond-t-elle. Car depuis 25 ans, je travaille dans le secteur financier sur la question de l’égalité des chances ». Un argument aussi valable pour le président du MRAP, candidat dans la 3e circonscription de Seine-Saint-Denis. Maxence Ancel, candidate Modem d’origine camerounaise ou Hamou Bouakkaz, suppléant de la député sortante Danièle Hoffman-Rispal, dans la 6e circonscription de Paris, se présentent eux aussi dans des quartiers populaires.
Alors à quand un « candidat de la diversité » à Neuilly avec des chances de l’emporter ? « Je n’ai jamais entendu un journaliste dire que Nicolas Sarkozy était le président français issu de l’immigration hongroise, s’amuse Mouloud Aounit. Ca veut tout dire (…) La France ne s’est pas encore libérée de son passé colonial. »