L’Assemblée nationale béninoise a approuvé, lundi dernier, la nouvelle version du Code des personnes et de la famille. Il précise, conformément aux recommandations de la cour constitutionnelle, l’égalité des sexes en faisant juridiquement de la monogamie, la norme. Et donc de la polygamie un régime d’exception.
La polygamie n’est plus la norme au Bénin. La nouvelle version du Code des personnes et de la famille a été adoptée, lundi dernier par les parlementaires. Le présent code constitue une révolution au sens étymologique du terme. Il fait, en effet, de la monogamie le régime de droit commun et de la polygamie l’exception. Ainsi, les Béninois devront désormais, avant de convoler en deuxièmes noces, disposer de l’autorisation écrite de leurs premières conjointes. Le texte de loi donne également les mêmes droits aux différentes épouses ainsi qu’à leur progéniture. Autre point important, pour être reconnus, les mariages devront être célébrés devant un officier d’Etat civil. Au total, « le nouveau code met sur le même pied d’égalité l’homme et la femme. La femme était jusqu’ici considéré comme un bien de l’homme », commente Maître Huguette Bopke Gnacadja, avocat au barreau de Cotonou et membre du Comité des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, (Cedef). Ce ne sera plus le cas, du moins devant la justice.
Un code de la famille, pas de la femme
A l’instar de nombreux pays africains où cette pratique relève des us et coutumes, la polygamie est bel et bien une réalité au Bénin. « Selon les régions, son taux varie entre 15 et 41 %, indique Me Bopke Gnacadja. Pour la juriste, bien qu’il constitue une avancée majeure en matière de droit de la femme, « ce code ne doit pas être perçu comme un code de la femme, mais bien comme celui de la famille parce qu’il définit le statut des différents membres de la cellule familiale : homme, femme et enfant ». Le Bénin était jusqu’ici l’un des rares pays africains à ne pas disposer d’un code de la famille. Il évoluait dans un système dual où le Code civil, le Code Napoléon (version 1804) cohabitait avec le droit traditionnel, à savoir le droit coutumier du Dahomey. Les gens avaient donc recours à la justice – juge traditionnel ou civil – qui servait au mieux leurs intérêts.
C’est en 1995 que la société civile élabore un projet de code de la famille. Après avoir longtemps été mis de côté, il ne sera examiné et approuvé par l’Assemblée nationale qu’en 2002. Cette dernière fait néanmoins l’impasse sur des questions délicates comme celle de la polygamie. Mais le code ainsi libellé est jugée anticonstitutionnel parce qu’il ne promeut pas l’égalité des sexes. C’est par conséquent sur les indications très précises de la Cour constitutionnelle que la deuxième version du texte juridique, qui a été soumise aux députés béninois en début de semaine, est rédigée. «Ce code confirme que le Bénin est sur la bonne voie en ce qui concerne les recommandations de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dont il est signataire. Cela d’autant plus que la Constitution béninoise est très favorable à la femme», affirme Maître Bopke Gnacadja.
Détracteurs
« Même s’il n’est pas encore entré en vigueur, les hommes de loi béninois s’inspirent déjà beaucoup du nouveau code, notamment dans le règlement des questions successorales », poursuit-elle. Au sein de la population, les choses sont moins évidentes. Si le code de la famille est globalement bien accueilli, les nouvelles dispositions sur la polygamie font couler beaucoup de salive chez les représentants du « sexe fort ». Exemple avec Cosme, ce cadre d’une trentaine d’années, pourtant célibataire, qui affirme : « C’est encore un truc pour frustrer les hommes ». Autre point d’achoppement : le terme de « puissance paternelle » a été remplacé par celui « d’autorité parentale ». « Certains y voit là une régression dans leurs prérogatives, explique l’avocate, alors qu’il s’agit d’un partage de responsabilités entre l’homme et les femmes dans l’éducation des enfants ».
Les femmes se sont également montrées réticentes. La juriste, membre de l’association des femmes juristes béninoises et du Femmes, droit et développement en Afrique -Feddaf (Wildaf en anglais), l’a constaté sur le terrain lors des actions menées pour vulgariser le nouveau code. « Elles préféraient maintenir le statu-quo que de voir les choses changer à leur détriment parce qu’elles sont financièrement dépendantes de leurs compagnons », explique-t-elle. Le Code des personnes et de la famille sera soumis à la Cour constitutionnelle, puis promulgué par le Président de la République. Gageons que les prochaines élections présidentielles n’influenceront pas ce long processus en passe d’être finalisé.