
Les avocats camerounais ont entamé, hier mercredi, une grève de trois jours, marquée par une « suspension du port de la robe », afin de dénoncer les violences policières répétées dont ils sont victimes. Cette action, qui a conduit à l’absence des avocats dans les prétoires, est le fruit de la mobilisation du Conseil de l’Ordre des avocats du Cameroun. L’Ordre a exprimé sa vive indignation face aux abus dont souffrent les avocats de la part des forces de l’ordre, les qualifiant de « violences physiques, barbaries et autres traitements humiliants ».
Les avocats camerounais sont en rogne. Dans un communiqué officiel, le bâtonnier de l’Ordre, Mbah Eric Mba, a fait état de deux incidents récents, parmi lesquels une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux, samedi dernier. Cette vidéo montrait des policiers infligeant des violences inacceptables à un avocat, dans une scène choquante et inhumaine. Le jour précédent, un autre avocat a été victime d’une séquestration par des forces de sécurité, simplement pour avoir osé dénoncer les violations des droits de ses clients. Ces événements ont incité le Conseil de l’Ordre à prendre la décision d’intenter des poursuites judiciaires contre les auteurs de ces actes, afin qu’ils puissent être jugés et répondre de leurs actes. Les avocats ont été appelés à se mobiliser pour exiger justice.
Dans la capitale camerounaise, Yaoundé, plusieurs tribunaux sont restés déserts mercredi, une situation confirmée par l’AFP, et qui démontre l’ampleur du mouvement de protestation. Cette grève de trois jours témoigne de la détermination des avocats à lutter contre ce phénomène de violences policières. Déjà, en novembre dernier, l’Ordre des avocats avait réagi face à des faits similaires. Un avocat avait été hospitalisé après avoir été brutalement interpellé par des gendarmes à Douala, la capitale économique du pays.
Une violence qui tend à devenir une norme dans la police
Dans son communiqué, l’Ordre avait dénoncé ce qu’il considérait comme une dérive « liberticide » et un phénomène inquiétant, celui des agressions systématiques contre les avocats, notamment dans les commissariats et brigades de gendarmerie. Cette violence, selon le communiqué, tend à devenir une norme au sein des forces de sécurité, créant ainsi une atmosphère de peur et d’intimidation pour les avocats qui défendent les droits fondamentaux de leurs clients.
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Me Richard Tamfu, l’avocat agressé en novembre, a récemment confié à l’AFP que, depuis cet incident, l’enquête n’avait pas progressé, et que seuls des témoignages avaient été recueillis jusqu’à présent. Ce retard dans le traitement de l’affaire alimente le sentiment d’impunité qui semble dominer dans le pays lorsqu’il s’agit d’abus commis par les autorités policières.
Un avocat battu à plusieurs reprises par des policiers
Le climat de violence a encore frappé la semaine dernière avec l’agression d’un autre avocat, Me Gilbert Ngawou. Ce dernier a été battu à plusieurs reprises par des policiers avant d’être interpellé, alors qu’il était en intervention dans un conflit foncier dans un quartier de Douala. Ce dernier cas a été confirmé par son entourage et par un communiqué de l’association religieuse « La vraie église du Cameroun« , qui se trouvait être le client de l’avocat. Cette nouvelle attaque est venue s’ajouter à une série d’incidents violents et inquiétants, qui renforcent la tension entre les avocats et les forces de l’ordre.
Cette série de violences témoigne d’une problématique plus large, qui dépasse le simple cadre des abus policiers envers les avocats. L’ONG Human Rights Watch (HRW) a publié une déclaration dans laquelle elle dénonce la culture de l’impunité généralisée qui règne au Cameroun, notamment en ce qui concerne les abus des forces de sécurité. HRW cite le cas d’un jeune de 26 ans, décédé en garde à vue en janvier dernier, avec des soupçons de torture. Cet incident est l’exemple tragique d’un phénomène plus large : celui de l’absence de responsabilité des agents de l’État lorsqu’il s’agit de violations des droits humains.