Design Africa regroupe neuf designers venus de plusieurs pays africains pour présenter leur travail au salon Maison & Objets, qui se tient jusqu’à mardi au parc des expositions de Paris-Nord, en France. L’occasion pour ces artistes de talent de convaincre les professionnels du marché.
Vue panoramique sur une décharge jonchée de monticules de ferraille, longeant une rangée de baraques en taule, où des dizaines de petites mains s’activent sur fond de collines ocre. Cheik Diallo commente, amusé, la photo grand ouverte sur son lap-top. «C’est là mon atelier d’artisanat, c’est là où je fabrique mes chaises». L’image vient violemment télescoper le décor aseptisé du stand Design Africa, où 9 designers africains se sont regroupés, à la faveur du Salon Maison & Objets, qui se tient jusqu’au mardi 27 janvier au Palais des expositions de Paris-Nord, à Villepinte, en France. Cheik Diallo, designer malien, partage sa vie entre Rouen et son pays natal. Les chaises qu’il confectionne mettent en valeur la technique ancestrale de tissage et de tressage locale, transmise de génération en génération. Mais son dada, c’est surtout «la récup’». Avec comme matière première : boîtes de conserve, restes d’affiches publicitaires, rondelles en fer… à peu près tout ce qui peut lui passer sous la main. «Même avec ce qu’il y a dans les poubelles, les trucs qu’on ramasse sous les voitures, dans la rues, on peut fabriquer de l’or».
La faune et la flore à l’honneur
En face, une multitude d’ustensiles soigneusement rangés sur un bar à deux étages scintillent sous la lumière des projecteurs. «Difficile de prendre des photos», avertit Isabelle Laws, qui représente la sud-africaine Diana Carmichael, designer à la pointe du raffinement des arts de la table. Au menu : verres évoquant ces fins colliers qui ornent les cous longilignes des femmes de sa région, couteaux et fourchettes en forme de guépards, chandelles imitant la tige de la plante d’aloevera, etc. «Le travail de Carmichael s’inspire de la faune et de la flore.» En fait, elle ne fait pas que s’en inspirer. «Nous avons aussi ces chandelles fabriquées avec des cornes gazelles». Mais pas de quoi s’effaroucher. «En Afrique du Sud, on tue les animaux pour maintenir l’équilibre de la faune», explique-t-elle.
« Marre des trucs pour touristes qu’on trouve dans les aéroports »
Chez son voisin, Octavio Fleury, qui expose le travail du sénégalais Babacar Mbodj, la corne de bœuf récupérée des abattoirs et le cuir sont omniprésents. Babacar Mbodj s’en sert pour confectionner des tables et des chaises «amenées à vieillir». On aurait pu ne pas en dire autant pour les récipients en céramique ramenés par le jeune Andil Dylavane d’Afrique du Sud. «Les fissures ? C’est en fait une représentation des scarifications qu’on fait dans la culture Xhosa pour guérir certaines maladies», décrypte le designer. «Ce sont des vases ? C’est pour mettre les fleurs ? », se hasarde un visiteur. Sacrilège ! « On peut y mettre des fleurs, mais je préfère que l’attention soit portée sur l’objet lui-même». Et, en effet, l’objet mérite que l’œil s’attarde dessus.
Les artistes regroupés par Design Africa, bien qu’imprégné de leurs cultures originelle, signent un travail en lutte permanente contre les clichés exotiques. Et c’est bien là leur plus grand mérite. «Marre des trucs pour touristes qu’on trouve dans les aéroports», conclut Cheik Diallo, en montrant sa bibliothèque en boîtes de conserve.
Salon Maison & Objet, du 23 au 27 janvier 2009, au Palais des expositions de Paris-Nord, Villepinte.
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