Plus de 500 artisans venus de 16 pays d’Afrique exposent leurs produits à Niamey, la capitale du Niger, dans le cadre du SAFEM (Salon international de l’artisanat pour la femme), jusqu’au 10 décembre. Combien ont-ils investi pour être présents ? Leurs produits rencontrent-ils le succès escompté ? Ils ont répondu à nos questions.
Notre envoyé spécial à Niamey
« Au dernier SAFEM, en 2005, les exposants ont fait un chiffre d’affaire de 500 millions de Francs CFA [1 euro = 656 F CFA]], selon leurs déclarations. Probablement le double, en réalité » estime [Aïchatou Kané, la coordinatrice de l’événement. Sur le site, au marché artisanal de Wadata, tous les participants du Salon que nous avons interrogés nous ont confié qu’ils étaient heureux d’être présents et souhaitaient faire un chiffre d’affaire conséquent. S’ils ont réalisé des ventes inférieures à leurs attentes dans le courant de la semaine, ils espèrent qu’elles seront compensées par celles du week-end. Les acheteurs sont en général beaucoup plus nombreux du vendredi au dimanche.
« Le SAFEM, c’est bien pour les affaires », déclare Solange Akoussan, de la boutique de couture et prêt-à-porter Providence de Lomé, au Togo. Un commerce créé par sa sœur aînée, il y a douze ans. Elle loue aux organisateurs un espace standard (12 m2) au prix de 100 000 F CFA pour 10 jours, la durée complète du Salon. « Tout le séjour, transport compris, nous reviendra à 2 millions d’euros. Donc il nous faudra gagner au moins 2, 5 millions de F CFA », estime-elle. Bien que la majorité des exposants vendent des vêtements et du textile, Solange et son assistante pensent pouvoir faire un petit bénéfice.
Quelques mètres plus loin, deux exposants du Burkina Faso se partagent le même stand. Le Dr Zan Koné et Aziz Ouédraogo. Ce dernier vend également des vêtements et du tissu. Il a été envoyé sur place par le propriétaire de la société, son grand frère, Idris, avec neuf employés présents sur trois stands différents. Il a réussi à compresser les coûts au maximum. Le séjour, tout compris, devrait leur revenir à un peu plus de 500 000 F CFA. Cependant, la moitié de cette somme a été dépensée en frais de transport, de police et de douane. « Nous avons dû investir beaucoup plus que prévu, car nous avons eu des problèmes avec les douaniers et la police. Chaque fois qu’on les rencontrait on devait donner une caution de 5000 F CFA », nous raconte Aziz, dépité par le degré de corruption des fonctionnaires. « Donc, toute l’équipe doit rentrer avec 3 à 4 millions pour dire qu’elle a fait de bonnes affaires », conclut Aziz, sceptique quant à sa capacité d’atteindre un tel chiffre.
A chacun ses objectifs et sa stratégie
Assis à côté du vendeur de vêtements et de textiles teints, le Dr Zan Koné, responsable de la société Kunawolo qui propose des produits issus de la pharmacopée traditionnelle burkinabè, acquiesce. « Le Burkinabè est un peu plus à l’aise que le Nigérien. Les gens regardent mais ne prennent pas, constate-t-il. Ce n’est pas qu’ils ne veulent pas, mais les temps sont durs. Par exemple, j’ai appris que les fonctionnaires n’ont été payés qu’hier », ajoute le pharmacien qui demeure néanmoins optimiste. Il n’est pas sûr d’écouler ses 2 millions de marchandises au SAFEM, mais il pense céder le reliquat aux distributeurs locaux. Venu depuis le Burkina Faso avec son propre véhicule, il les rencontrera, ainsi qu’un certain nombre de tradipraticiens, après l’événement, afin de leur présenter ses deux gammes de produits faits à bases de plantes médicinales conditionnées avec les mêmes principes et exigence que les médicaments classiques.
Quelques stands, moins nombreux, sont d’une surface près de trois fois supérieure à celle des autres (32 m2). Nanahamatou Assoumane, du Niger, occupe l’un d’entre eux avec 13 personnes de la région de Tahoua, à 600 km de Niamey. Ils sont d’ethnies diverses, mais vendent une majorité d’objets réalisés par les maroquiniers touaregs, très présents dans le secteur de l’artisanat, ainsi que du savon traditionnel, semble-t-il réputé pour ses vertus assainissantes. Leur stand coûte quelque 250 000 euros pour la durée de l’événement, mais il a été pris en charge par le SAFEM qui veut assurer la promotion des artisans provinciaux ayant, très souvent, des moyens limités. Les exposants ont cependant dû dépenser 9000 F CFA par personne pour venir jusqu’à Niamey et leurs dépenses quotidiennes (logement et frais de bouche) s’élèvent à environ 1500 F CFA par personne et par jour. Ils espéraient que les visiteurs du Salon fussent plus dépensiers, mais ils ne regrettent pas d’être venus. « Même si on ne gagne pas, c’est pas grave, nous affirme Nanahamatou. Car nous travaillons pour le pays et, surtout, pour montrer ce que savent faire les femmes artisanes du Niger. »
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