A travers le continent africain, les enfants émergent de conflits où ils ont servi de soldats ou de « femmes » aux chefs rebelles et se retrouvent dans un monde qui leur est inconnu. Généralement pauvres et souvent sans famille, bon nombre de ces jeunes ont recours, pour s’en sortir, à des systèmes qui les exposent aux dangers du VIH.
« Nous avons découvert dans des pays comme la Sierra Leone que les enfants soldats démobilisés étaient de plus en plus nombreux à consommer des drogues injectables », a déclaré le docteur Josef Decosas, conseiller principal en matière de politique relative au VIH, à Plan International, une agence de développement qui travaille pour et avec les enfants. « Et nous savons que dès que le VIH s’immisce dans un réseau de consommateurs de drogue, il se répand comme une traînée de poudre ».
Selon les résultats d’une enquête menée dernièrement, les conflits ont tendance à freiner la propagation du virus en limitant les mouvements de population et les interactions sociales, a-t-il indiqué. Cependant, lorsque ces conflits prennent fin, les communautés retournent à la vie normale et deviennent de plus en mobiles. En conséquence, le VIH devient un véritable problème.
« En Ouganda, le taux de prévalence enregistré au sein de la LRA (rébellion de l’Armée de résistance du Seigneur) est supposé être relativement faible. En revanche, au sein de la population locale du nord de l’Ouganda, le taux de prévalence est plutôt élevé et ainsi, les enfants démobilisés doivent être préparés afin de se protéger contre le virus », a expliqué M. Decosas.
Olushola Ismail, responsable du bureau du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dans le district de Kitgum, dans le nord de l’Ouganda, a souligné que l’agence, par l’entremise de ses partenaires, recevait et réintégrait les anciennes victimes de la LRA.
La plupart d’entre elles acceptaient de subir un test de dépistage, et les résultats se révélaient négatifs. Selon les estimations, la LRA a enlevé quelque 30 000 enfants au cours des 21 années de conflit qui ont secoué la région.
D’après M. Decosas, le fait que de nombreux enfants soldats aient été délibérément désensibilisés aux horreurs des massacres et de la violence sexuelle a aggravé la menace que représente le VIH. En effet, les enfants éprouvent des difficultés à changer de comportement lorsqu’ils réintègrent la société.
« Ils sont conditionnés de manière à être désinhibés de toutes les façons possibles. Ils ne craignent plus les comportements violents et la violence sexuelle. Ils ont donc des difficultés à se réajuster », a dit M. Decosas.
Des politiques de réintégration à repenser
Jusqu’à présent, les organisations ougandaises se sont concentrées sur l’accueil des anciens enfants soldats dans des centres, où ils reçoivent un soutien psychosocial pendant deux ou trois mois, et apprennent à vivre de nouveau en société, avant de retrouver leur famille dans les camps.
« Dans le contexte de l’Ouganda, ces enfants sortent de la brousse et après un court séjour dans des centres d’accueil, ils sont placés dans des camps de déplacés internes », a expliqué Daisy Muculezi, responsable de programme, chargée de la protection de l’enfant, auprès de l’organisation basée au Royaume-Uni, Save the Children.
« La situation est étroitement liée aux moyens que les enfants utilisent pour s’en sortir. Alors qu’un grand nombre d’entre eux se prostituent ou fabriquent de l’alcool – des méthodes courantes pour gagner de l’argent dans les camps – d’autres consomment de l’alcool en quantité excessive », a-t-elle poursuivi.
Daisy Muculezi a souligné que le suivi de ces enfants replacés n’a pas été aussi régulier qu’il aurait dû l’être. En conséquence, de nombreux enfants sont retournés vivre dans la rue, quelques semaines après avoir été placés dans les camps, ne parvenant à joindre les deux bouts.
« Le nord de l’Ouganda se trouve désormais dans une phase de rétablissement. En outre, le plan de rétablissement, de développement et de paix que le gouvernement a élaboré pour la région comprend un volet d’aide sociale. C’est à ce volet que nous nous intéressons spécifiquement afin de combler les lacunes que présentent nos programmes destinés aux anciennes personnes enlevées par la LRA », a signalé Mme Muculezi.
Selon Olushola Ismail, l’un des moyens les plus efficaces de venir en aide à ces enfants est de leur donner la possibilité de choisir leur avenir.
« Nous ne voulons pas contraindre les enfants à emprunter des voies qu’ils ne veulent pas. Ainsi, nous les laissons choisir, et ils peuvent décider de devenir tailleurs, boulangers, menuisiers ou poursuivre leur scolarité. »
Plan International a des programmes scolaires destinés aux anciens enfants soldats en Angola, au Mozambique et en Sierra Leone. Ces programmes proposent des formations sur la consolidation de la paix, des séances de conseil pour les filles qui sont devenues mères après avoir été violées lors du conflit, ainsi que des leçons de prévention du VIH/SIDA.
Selon les Nations Unies, 58 groupes dans 13 pays, dont sept se trouvent en Afrique, continuent de recruter et d’utiliser des enfants, dans le cadre de conflits armés.