Il y a cinquante ans, l’indépendance de l’Algérie était proclamée, après 132 ans de colonisation française. À Paris, les Franco-Algériens célèbrent eux-aussi cette indépendance, même si le traumatisme de la guerre reste présent à leur esprit. Reportage.
À 10 heures, la rue du Faubourg Saint-Denis (dans le 10e arrondissement de Paris) s’anime. Les commerçants ouvrent les uns après les autres les portes de leurs bars, commerces de fruits et légumes, et autres boucheries. « Vous cherchez quoi ? », me lance Nouredine, un gérant de bar de 29 ans. « Je fais un reportage sur le cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, êtes-vous Algérien ?», je lui réponds. « Oui, allez-y ! ».
Quel est votre état d’esprit ? « Vive la liberté. On a récupéré notre pays, et ça fait cinquante ans que ça dure. Ça emmerde les Français, mais ce n’est pas notre problème », lâche Nouredine. Et d’ajouter « Oui, c’est bien. Il ne faut pas oublier. J’ai mes cousins qui ont fait la guerre. C’est grâce à eux que l’Algérie est libre aujourd’hui », répond-il à ma question sur le devoir de mémoire.
Dans le magasin de fruits et légumes, de l’autre côté de la rue, on ne partage pas le même enthousiasme. Nouma, vendeur de 27 ans, parle d’une liberté en demi-teinte. « L’Algérie est encore colonisée par la France. On a la même langue, les mêmes modes de vie. La culture algérienne est très influencée par la culture française. Il n’y a pas de grand changement, surtout en ce qui concerne la politique. »
Ashraf, plombier de 29 ans, accuse à son tour le coup. « N’importe quel pays qui retrouve sa liberté c’est bien. Même si on n’était pas nés à l’époque, on se sent concernés. Il n’y a pas pire que la colonisation. Les Français traitaient les gens comme des animaux en Algérie. »
« Les plaies ne sont pas encore cicatrisées »
L’avis de ces Franco-Algériens est relayé par l’Union de la communauté algérienne de Paris (UCAP). « C’est à la fois un jour de fête, parce que c’est le 50e anniversaire, mais également un jour de recueillement car il faut rendre hommage à nos martyrs tombés sous les balles assassines de la France coloniale », déclare Me Maadi Reda, le président de l’association. « Ces histoires doivent amener la France à s’excuser. Comme Chirac l’a fait pour l’Arménie, un pays qui reconnait ses erreurs en sortira grandi. Pourquoi ce proverbe ne s’appliquerait pas à l’Algérie ? » Si le président de l’UCAP ne veut pas entendre parler du devoir de mémoire, il dénonce l’oubli et fustige « l’instrumentalisation coloniale ». Ce qui reviendrait, selon lui, à battre en brèche la discrimination, le racisme et à traiter dignement tous les immigrés qui vivent en France.
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