Les Algériens de France ont-il été aussi sensibles que les parlementaires français au caractère historique du discours de Bouteflika à l’Assemblée nationale ? Rien n’est moins sûr. Morceaux choisis.
Zineb (A Marseille) :
» Je n’ai pas écouté son discours. Je n’ai pas eu le temps de lire la presse aujourd’hui. Mais ce que j’ai appris par ouï dire de son intervention ne me surprend pas. Bouteflika cherche à ramener l’Algérie dans le sérail économique. Pour cela il se sert de ses talents de diplomate qu’il a acquis du temps où il était ministre des Affaires Etrangères. D’accord il » passe bien « , et son franc-parler fait mouche. Mais personne chez nous, n’oublie qu’il a été l’un des lieutenants de Boumediene, ni qu’il a été placé à la tête de l’Etat par les militaires. J’ai le sentiment désagréable que s’il impose un autre ton dans la politique algérienne, c’est également pour masquer le fait qu’il a les mains liées. » .
Lila ( A Paris) :
» Bouteflika cherche une crédibilité à l’extérieur qu’il n’a pas en Algérie. Le discours qu’il prononce ici, je voudrais qu’il le tienne aussi à l’assemblée de son pays où il n’a jamais mis les pieds. C’est bien joli de vouloir réconcilier le régime avec la France, mais en tant qu’Algérienne, j’estime qu’il y a d’autres priorités : s’attaquer au chômage qui mine notre jeunesse, par exemple. Depuis qu’il est au pouvoir, il n’a rien fait. Par ailleurs, plutôt que donner des leçons de morale aux anciens colons, il ferait mieux de mettre au pas l’armée algérienne. Mais, ça Bouteflika ne le fera jamais. Il est bridé. Et on le sait « .
Toufik (dans son camion) :
» Bouteflika crie » au secours » à la France. Là-bas il est seul. Le vrai pouvoir appartient aux chefs de régions militaires qui exercent sur le pays un régime néoféodal et se tirent dans les pattes. Bien sûr, on peut louer son ton direct et le message clair qu’il a envoyé aux investisseurs français : si la France et l’Europe ne saisissent pas le marché, ce sont les Américains qui vont la prendre, en dépit de toute logique. Un Maghreb uni, c’est une vieille idée de Messali Hadj et de Mohamed V (respectivement l’un des fondateurs du nationalisme algérien et souverain marocain sous l’occupation française -Ndlr) dans les années 30. Il n’a rien inventé. La seule chose intéressante dans son discours c’est sa volonté de changer les rapports entre nos deux pays. Un coup » je t’aime « , un coup » je te déteste » : la France et l’Algérie, c’est un couple infernal ! Il faut qu’on tourne la page maintenant, que les anciens pieds noirs qui le souhaitent puissent retourner vivre en sécurité là-bas et que le peuple algérien puisse venir étudier, importer ou commercer ici sans soucis. Inch Allah « .