Les Afrodescendants colombiens et le drame séculaire


Lecture 4 min.
arton57019

L’esclavage des noirs en Colombie a pris fin il y a 154 ans, mais comme c’est le cas pour ceux vivants dans d’autres pays d’Amérique Latine, ils ont encore la sensation de vivre un manque de liberté et de respect.

« Beaucoup de gens sont surpris par les choses qui nous arrivent encore », indique Carlos Alfonso Rosero, activiste colombien des droits des communautés noires, qui vient d’aborder ce thème à Washington. « Notre réalité est différente de la version officielle ».

Rosero, qui dirige le Proceso de Comunidades Negras en Colombia (PCN), a établi des contacts dans la capitale américaine pour les informer des « menaces modernes » qui touchent des millions de colombiens d‘ascendance africaine.

« Nous voulons générer des conditions de respect de nos droits », a-t-il déclaré dans une entrevue accordée à l’Associated Press en fin de semaine dernière. « Et nous recevons des encouragements et la compréhension du monde ».

Cette fois, comme il l’a fait de façon périodique depuis l’année 1998, depuis que les communautés noires ont commencé à évoquer leurs problèmes au niveau international, Rosero a eu comme interlocuteurs des législateurs afro-étatsuniens et afro-hispaniques, ainsi que des dirigeants d’organisations non gouvernementales.

WOLA (Bureau de Washington pour l’Amérique Latine), un de ses groupes qui a soutenu Rosero dans les démarches, a demandé au Département d’État d’observer plus méticuleusement la situation de ces communautés, dans lesquelles « des violations des droits humains, assassinats, persécutions et déplacements compris, sont commis ».

L’incertitude dans la vie des noirs en Colombie a semblé prendre fin en 1993 avec le vote d’une loi qui leur reconnaissait des droits spéciaux, particulièrement sur des territoires.

Mais, des problèmes sont apparus presque immédiatement avec la guérilla et les paramilitaires. Puis est arrivé le narcotrafic et ses séquelles issues de la lutte internationale menée pour le combattre. Et maintenant, il y a une attaque du gouvernement, indique Rosero.

« Sur nos territoires, les paramilitaires ont toujours une présence militaire significative, malgré le fait qu’ils sont démobilisés « , déclare t’il.

Le gouvernement du président Álvaro Uribe a approuvé l’an dernier un loi sur la forêt et il y a un débat actuellement sur l’approbation d’un « grand nombre d’articles » de la loi de développement rural, pour, selon Rosero, « faciliter l’expropriation des terres des communautés noires et indigènes ».

« Le gouvernement prépare l’entrée en vigueur du traité de libre échange (avec les Etats-Unis) avec des lois qui cherchent à sécuriser les investissements », déclare t’il.

La constitution de 1991 en vigueur en Colombie contient un article transitoire qui pour la première fois depuis leur affranchissement en 1852 a reconnu des droits territoriaux aux noirs, historiquement regroupés en petites populations appelées « palenques ».

La Loi 70 approuvée en 1993 et alors considérée comme la plus avancée pour un groupe ethnique dans les Amériques a rendu cette ordonnance permanente et a établi des droits sur le territoire et ses ressources, sur le développement de leurs aspirations propres, sur l’identité et la participation.

Rosero, qui est intervenu dans la rédaction de cette loi indique que comme conséquence, 6 millions d’hectares de terres ont été pourvus de titres au nom des communautés noires, particulièrement dans la zone du Pacifique.

« Le projet de loi rural dit que l’on peut exproprier une terre pour des raisons écologiques », affirme t’il. « Ceci laisse ouverte la possibilité que les terres des communautés noires parsemées de coca ou touchées par l’industrie minière, par exemple, puissent être l’objet d’une expropriation de l’État « .

« Cela semble un non sens car la présence de la coca sur nos territoires est liée à l’application inadéquate du Plan Colombia dans notre pays, et parce que nous n’utilisons pas de produits chimiques dans l’industrie minière ».

Même si la population noire qui vit dans les palenques atteint à peine le million de personnes, Rosero calcule qu’il y a plus de 10 millions de noirs en Colombie –un quart du total des habitants du pays—qui vivent dans la région Pacifique, el Caribe, los valles del Cauca et Magdalena et dans les grandes villes comme Bogotá, Cali, Medellín, Barranquilla et Cartagena.

Les noirs vivent dans leurs communautés principalement de l’industrie minière et de l’agriculture, mais Rosero affirme qu’ils ne s’opposent pas à l’arrivée d’étrangers qui entreraient dans ces activités, à condition qu’ils n’utilisent pas le mercure pour le nettoyage de l’or ou ne se consacrent pas à la monoculture du palmier à huile car ces derniers menacent la biodiversité et les sources aquifères.

« Les communautés noires ont toujours eu des problèmes avec les guérillas, les paramilitaires et l’armée », indique t’il. « Maintenant, ils veulent nous apporter des projets dans lesquels les noirs ne participent pas et ne sont pas non plus consultés ».

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News