Les cinéastes africains, réunis au sein de la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci), entendent faire financer la production cinématographique par les Africains. Acteurs publics et privés sont invités à contribuer au Fonds panafricain d’aide au cinéma dont la mise en place a été annoncée la semaine dernière durant le Festival de Cannes. Entretien avec le président de la Fepaci, le Gabonais Charles Mensah qui revient sur les objectifs de cette structure révolutionnaire dans le Septième art africain.
Le pavillon « Les Cinémas du monde » lors de la 63 édition du Festival de Cannes, qui s’est tenue du 12 au 23 mai, a été l’occasion d’annoncer la naissance imminente du Fonds panafricain d’aide au cinéma. Il bénéficie de l’expertise de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et compte sur le soutien formel de l’Union africaine. Car ce fonds a pour ambition de donner l’impulsion nécessaire à la structuration de l’industrie cinématographique sur le continent africain.
Afrik.com : C’est une grande première d’entendre parler d’un fonds qui permettra aux Africains de financer leur propre cinéma. Vous y pensez depuis longtemps ?
Charles Mensah : Les cinéastes ont toujours, lors des rencontres de la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci, créé en 1969), sollicité la mise en place d’un fonds africain pour le cinéma, un fonds qui soit placé sous l’égide de l’Union africaine. Nous avons réussi à convaincre l’organisation panafricaine de l’inscrire dans ses recommandations. Lorsqu’il y a eu le sommet du film africain à Tshwane, en 2006, parmi les missions confiées à la Fepaci, il y avait la mise sur pied de ce fonds. Nous avons essayé de le faire. Mais vu les difficultés que nous rencontrions, nous avons décidé de nous rapprocher d’une structure de coopération bilatérale qui a une expérience avérée dans la gestion de ce type de fonds, à savoir l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui s’est dite disposée à nous apporter son aide.
Afrik.com : Le Fonds n’est pas opérationnel mais vous communiquez sur son lancement. C’est une façon de faire un appel de fonds justement ?
Charles Mensah : C’est plutôt une manière de sensibiliser davantage nos gouvernements de la nécessité d’une telle initiative. Nous attendons de l’Union africaine (UA) qu’elle soit la marraine de ce fonds, car c’est à travers elle qu’on ira vers les autres pays africains. Le fonds aura certainement un lien organique avec l’UA. Pour l’heure, l’organisation panafricaine est sensibilisée à la question. Mais dans cette première phase de mise en place, le partenaire, c’est l’OIF. Nous pensons assez rapidement que l’ACP va nous rejoindre. Dès que nous aurons l’étude de faisabilité, nous aurons matière à balayer les dernières hésitations de l’UA.
Afrik.com : Pour une fois, on ne compte pas que sur les deniers publics pour alimenter ce fonds. La contribution du secteur privé est espérée, y compris celle de la diaspora ?
Charles Mensah : Le fonds devrait être l’émanation d’un partenariat public-privé. Nous avons l’intention d’organiser à Johannesbourg un diner de gala pour collecter des fonds. Il s’agit de faire appel à des opérateurs économiques présents, entre autres, dans la téléphonie mobile, les nouvelles technologies… Nous nous sommes également approchés de la diaspora africaine aux Etats-Unis. Il est important que les Africains s’appuient sur eux-mêmes avant de s’adresser aux autres. Nous avons des retours intéressants. Maintenant, il va de soi que toutes ces opérations ne suffiront pas et qu’elles devront être complétées par l’investissement des Etats.
Afrik.com : Ce fonds est définitivement l’occasion pour les Africains de maîtriser la production de leur image ?
Charles Mensah : La commission, qui sera rattachée au fonds, s’appuiera sur des critères qui reflètent la sensibilité des Africains.
Afrik.com : Le fonds panafricain va promouvoir également la promotion de structures nationales d’aide au cinéma sur le continent ?
Charles Mensah : Pour les cinéastes africains, l’idée du fonds va de pair avec la mise en place de la commission africaine du film. Cette structure sera, nous l’espérons, une structure spécialisée de l’Union africaine. Le fonds précède la mise en place de cette commission qui permettra de suggérer des pistes et des solutions d’organisation du secteur cinématographique au niveau de chaque pays. Ce qui revient à produire une politique estampillée UA applicable à l’échelle du continent.
Afrik.com : Les cinéastes ont préconisé la création d’une structure panafricaine parce qu’on arrive à rien obtenir à l’échelle des Etats pour le cinéma ?
Charles Mensah : C’est vrai que l’on n’arrive pas à le faire. Là où existent des structures nationales de promotion du cinéma, c’est formidable. Le fonds panafricain viendra alors renforcer leur action et, dans les autres cas de figure, il aura une action structurante. Et bien évidemment, le fonds constitue un magnifique outil d’intégration.
Afrik.com : Nous en saurons plus sur la structuration de ce fonds en octobre prochain lors des Journées cinématographiques de Carthage, en Tunisie ?
Charles Mensah : Les modalités de fonctionnement de ce fonds, le cadre juridique, son mode de financement seront alors connus. Nous espérons également pouvoir communiquer les dates du premier appel à projets.
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