Les Africains sacrifiés par la Russie sur le front ukrainien


Lecture 4 min.
Soldats africains envoyés en Ukraine par la Russie
Soldats africains envoyés en Ukraine par la Russie

C’est une histoire qui fait froid dans le dos. Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022, des centaines de jeunes Africains se retrouvent piégés dans une guerre qui n’est pas la leur. Certains y sont allés volontairement, d’autres y ont été forcés. Mais tous ont une chose en commun : on leur a menti. RFI a réalisé un reportage édifiant sur ces combattants.

Samuel est l’un d’entre eux. C’est un jeune Camerounais qui a fait des études scientifiques. En mai 2024, on lui fait une proposition qui semble géniale : un travail en Russie, bien payé, comme concierge ou cuisinier. L’offre vient d’une agence de Yaoundé qui s’occupe des visas pour la Russie. « Avec ma mère, on a réuni 2,5 millions de francs CFA. Je ne savais pas que je partais vers la mort », confie Samuel à RFI. À son arrivée en Russie, tout bascule. On lui prend son passeport et on lui donne un fusil à la place d’un balai. Il se retrouve envoyé dans l’est de l’Ukraine, et là, il comprend qu’il s’est fait avoir.

Sur le front, c’est toujours la même chose. Les Africains sont envoyés devant, pendant que les Russes restent au camp avec leur bon équipement. « On nous utilise comme des appâts, comme des boucliers humains« , explique Samuel. « On doit avancer pour déminer ou occuper le terrain, souvent sans bon matériel. » Et si quelqu’un refuse de se battre ? Il est torturé ou mis en prison.

Les Africains utilisés comme boucliers

Les pertes sont terribles. Sur les cinq Camerounais qui sont partis avec Samuel, trois sont morts. Parmi eux, son ami Patrice, qui avait quatre enfants. Les Ukrainiens utilisent surtout des drones et des mines, ce qui rend les choses encore plus dangereuses pour ces soldats mal préparés.

Les recruteurs savent ce qu’ils font. Souvent liés à des agences louches ou au groupe Wagner, ils attirent les jeunes avec de belles promesses : gros salaires, primes, et même la nationalité russe pour toute la famille. Mais une fois sur place, tout ça s’évapore.

« Les contrats sont bidons. On n’a même pas de copie, et l’argent qu’on nous avait promis, ce sont nos chefs qui le prennent« , dit Samuel. Le pire, c’est que certains pays africains, comme le Cameroun, font semblant de ne rien voir quand leurs citoyens demandent de l’aide. D’autres pays, comme l’Inde, ont au moins fait l’effort de faire rentrer leurs citoyens.

Et ce n’est pas qu’au Cameroun. Des recrutements similaires ont lieu en Somalie, au Burundi, en Ouganda, au Rwanda… On leur promet 2 000 dollars de prime et 2 200 dollars par mois. Dans des pays où l’argent est rare, c’est dur de résister à ces promesses.
En Centrafrique, c’est encore plus fou : des prisonniers ont été libérés à condition qu’ils aillent se battre avec Wagner. Il y a même eu des recrutements forcés dans les commissariats, même si le gouvernement dit que c’est faux.

Des centaines de morts

La vie sur le front est horrible. Samuel raconte : « Je n’ai jamais vu un Ukrainien en vrai, juste leurs drones et leurs mines. » Dans le Donbass, il a vu des centaines de corps abandonnés sur le champ de bataille. Il a dû marcher sur des cadavres pour avancer. Une fois, il s’est même caché parmi les morts pour échapper aux bombes.

Malgré le danger qu’il prend en parlant, Samuel veut que son histoire soit connue : « Il faut que les Africains arrêtent de venir mourir ici. On nous ment. Je raconte tout ça pour que ça s’arrête. »

Ce qui se passe est grave. C’est pratiquement de la traite d’êtres humains. Et pendant que des milliers de jeunes Africains se font tuer, les gouvernements et les organisations internationales ne font presque rien. Quelques personnes ont pu être rapatriées grâce à des efforts diplomatiques, mais il en reste encore tellement qui sont piégés là-bas. Il est urgent que ça change.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News