Léopold, le kiné au grand cœur


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Léopold Rakotoarimalala travaille pour l’Association Raoul Follereau à Madagascar. Sur l’île, il est le seul kinésithérapeute spécialisé dans le traitement de la lèpre. Présent sur tous les fronts, il ne se départit jamais de sa gentillesse. Rencontre.

Léopold Rakotoarimalala est le seul kinésithérapeute spécialisé dans le traitement de la lèpre à Madagascar. Autant dire qu’il a du pain sur la planche sur cette île qui compte aujourd’hui un peu plus de 2 500 lépreux. Cet homme simple et discret a fait sa scolarité chez les Frères à Mananjary et chez les Pères jésuites à Fianarantsoa avant de passer trois ans à l’école de kinésithérapie d’Antananarivo. « A la fin de mes études, j’ai été recruté par l’Association Raoul Follereau et, en 1989, j’ai été envoyé dans une léproserie à 36 km de la capitale. Je ne savais pas ce que c’était que la lèpre… C’est pendant mon stage de 5 mois que j’ai compris ce qu’était la maladie et ce que l’on pouvait rééduquer chez les malades. Avant, pour moi, les lépreux étaient tous des handicapés. »

Lors de ses premières confrontations avec les malades, Léopold est d’abord inquiet. « Au début, cette maladie fait peur. Mais à force de côtoyer des lépreux, on apprend à la connaître. » Léopold a surmonté ses appréhensions et su apprivoiser les malades. Il faut en effet créer des liens de confiance avec ces personnes qu’il « faut toucher et prendre en main pour pouvoir soigner ». « Chaque malade est un cas particulier », explique pudiquement Léopold.

Prévention des infirmités

« Léo », comme l’appellent ses collègues et amis, est basé à l’antenne Raoul Faollereau de Tananarive, la capitale, follereau.jpgmais il travaille dans toute l’île, notamment dans les régions les plus touchées par la maladie, comme la côte Est et le Sud-Ouest. « Je pars en tournée là où l’on a besoin de mon aide », dit-il simplement. En 2005, il a effectué 12 sorties, d’un maximum de 12 jours. Il fait régulièrement des tournées dans les centres publics de soins de base et appuie les centres privés pour faire de la prévention des infirmités.

« Le volet PRP (prévention et réparation physique) se divise en deux : la prévention des infirmités et le dépistage précoce, ce que font les médecins et infirmiers », explique-t-il. « On parle, on donne des conseils. Lorsque les malades viennent trop tard, ils perdent de la sensibilité et de la mobilité dans les mains et les pieds. Il y a des gestes à appendre pour empêcher la paralysie, garder la souplesse de la peau. La rééducation fonctionnelle permet que les choses ne s’aggravent pas. On conseille de faire des petites flexions des doigts pour les petites paralysies. Quand il y a un cas de griffe souple, il y a des gestes plus délicats pour que ça ne durcisse pas. On fait tout pour que les gens puissent continuer à effectuer leurs gestes quotidiens. »

Les gestes qui sauvent

En tant que seul kiné spécialisé, Léo est sur tous les terrains. « On fait de la réadaptation physique quand il est trop tard et qu’il y a des complications secondaires. On apprend alors les gestes primordiaux comme les auto-massages, les gestes pour assouplir la peau, les bains de mains et de pieds. On fait aussi des examens neurologiques de base et on suit de près la maladie en appliquant le traitement médical. Lorsqu’il y a besoin d’effectuer une opération de chirurgie de décompression nerveuse, on prépare les malades et on assure le suivi post-opératoire. On travaille avec les chirurgiens et les prothésistes et on aide les gens dans leur vie quotidienne en apportant des aides techniques pour la réadaptation des malades. » Par exemple, Léo fabrique aussi les chaussures micro-cellulaires pour les pieds sensibles ou les chaussures spéciales pour les pieds déformés ou amputés…

En plus de cela, Léopold fait de la formation. « Je donne une formation pratique sur le terrain car ce ne sont pas des choses qui s’apprennent en théorie. Il faut être face aux différents malades et savoir réagir aux situations. Par exemple, en mai 2005, j’ai fait une mission chirurgicale dans le Nord, en réadaptation chirurgicale, et je vais bientôt y retourner pour leur apporter les chaussures spéciales. Celles-ci ne sont pas de simples prothèses. Il faut savoir les mettre, les ajuster, expliquer comment les utiliser au mieux, vérifier qu’il n’y a pas de difficultés de flexion. On apprend au malade à marcher avec. On lui donne des consignes qui lui serviront toute sa vie. Il faut un suivi régulier sur le terrain. »

« Toujours disponible pour ceux qui souffrent »

Léopold a eu la chance de pouvoir effectuer deux stages en dehors de l’île Rouge pour parfaire ses connaissances. En 1993, il a passé deux mois au Sénégal, pris en charge par l’association Raoul Follereau, pour suivre une formation sur la prévention des invalidités à l’Institut de Léprologie Appliquée de Dakar. « J’ai suivi un cours international de réadaptation physique, sur la lèpre en général et sur la chirurgie et rééducation », indique-t-il. Dix ans plus tard, il y est retourné pour faire un stage qui lui a permis de se perfectionner dans la fabrication de chaussures spéciales pour les lépreux. Heureusement car, « à Madagascar, on sait faire les chaussures orthopédiques pour la polio mais pas pour les lépreux », explique-t-il. « Or, les lépreux ont des problèmes de sensibilité, de déformation, de petites amputations. Pour leurs chaussures, il faut avoir recours à des astuces… Il faut du bon sens en plus de la technologie de base ! »

En plus de toutes ces activités professionnelles, Léo est père de quatre enfants et fana de vélo. « Chaque année il accompagne nos amis de l’association anglaise LEPRA dans un grand bike ride (« ballade à vélo ») qui les conduit pendant près de deux semaines dans de nombreux centres soutenus par les donateurs Follereau. Ils vont à la rencontre des malades et des handicapés », explique Grégoire Detoeuf, le responsable de l’antenne Follereau de Tana, sur son blog. Il ajoute : « Tous nos amis sont frappés par la grande gentillesse de Léo, son extrême dévouement, son grand professionnalisme et sa simplicité à l’égard de tous ! Tous les malades pensent la même chose car Léo est toujours disponible pour ceux qui souffrent ! »

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