Blues Pour Elise, « Séquences afropéennes-Saison 1 » (Ed. Plon), le dernier roman de la romancière d’origine camerounaise, Léonora Miano, relate le quotidien de quatre « Afropéennes », les Bigger than life, et de leurs proches, dans le Paris d’aujourd’hui.
Le roman débute par Akasha qui ne se remet pas d’un chagrin d’amour et tente de tourner la page, en se préparant pour aller à un speed-dating. Puis nous découvrons Amahoro qui traverse une période difficile car son compagnon, Michel, prend ses distances vis-à-vis d’elle. La troisième, Shale, est follement amoureuse de Gaétan au physique peu avenant. Et enfin, Malaïka, elle, est assaillie de doutes, après la demande en mariage de son compagnon. Nous allons donc suivre les pérégrinations de ces femmes ainsi que celles de mère, de sœur, de cousin, et des hommes. En somme, le portrait d’un groupe social, sous des projecteurs lumineux.
Ces femmes de nationalité française, modernes, avec leur caractère et leur sensibilité, travaillent, ont leurs habitudes, roulent en Vélib’, mangent des graines germées, vont chez le coiffeur… Elles sont décrites dans la banalité de leur quotidien. Leurs discussions gravitent autour de la famille, des amis, des préjugés de couleur, et surtout de l’amour, l’objet principal de leur quête. En fait, nous sommes fort loin des clichés misérabilistes habituels. Le ton est badin, on rit, on pleure, on vit. La musique est omniprésente et traduit parfois l’état d’esprit de nos protagonistes. Elles ont des questions existentielles comme tout individu, mais ni plus ni moins. Il n’est pas question de retour au pays, même si elles sont d’origine africaine. Elles assument pleinement leur vie parisienne. Leurs origines transparaissent à travers les plats, des chansons, et les mots qui parsèment le roman.
Cependant, derrière cette légèreté apparente apparaissent les thématiques chères à Léonora Miano, à l’instar du poids de la famille en Afrique, les relations Africains/ Antillais, les relations entre les hommes et les femmes, partagés entre la tradition et la modernité ; la vie des jeunes dans les banlieues et la place des Afropéens en Europe, bien qu’elle indique que « c’est à eux de s’inventer, s’imposer, se dire. ».
Un roman musical
Ce roman ne manquera pas de surprendre les lecteurs habitués de Léonora Miano, de par sa légèreté de ton et son style. Certes, un épisode, cependant, conserve l’aspect sombre des autres romans, celui qui relate le secret d’Elise. La tonalité musicale demeure, rythmant les chapitres et composant un ensemble parfaitement orchestré. Chaque chapitre présente un personnage, et se clôt sur des notations d’ambiance sonore. Si au début, les chapitres paraissent complètement autonomes, les liens se tissent peu à peu entre les personnages. Deux monologues sont rédigés dans une langue proche du vocabulaire sms, agrémentée de mots d’argot et d’anglais, constituant un interlude musical.
Ce roman se lit comme un scénario tout en possédant d’indéniables qualités littéraires. Il vient combler une lacune dans le paysage littéraire français, en donnant la voix à quatre Afropéennes, qui mènent une vie somme toute banale, comme toute citoyenne française, en quête d’amour et non plongées dans les affres d’une recherche identitaire.
Léonora Miano a planté le décor d’une série à venir. On referme le livre, l’esprit guilleret, avec une grande envie de lire la suite des aventures de ces personnages si attachants.
Commander le roman de Léonora Miano, Blues Pour Elise, « Séquences afropéennes-Saison 1 », Paris, Plon, 2010, 210 pages
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