Les Frères Musulmans ont créé une surprise sans précédent, dimanche en Egypte, lors du second tour des élections législatives. Le parti intégriste a triplé le nombre de ses députés, faisant passer de 17 (depuis 2000) à 47 le nombre de sièges dont il va bénéficier à l’Assemblée. Une nouvelle donne qui inquiète le pouvoir. De nombreux incidents graves entre la police et les militants de la confrérie sont survenus dans la journée de dimanche.
Par Floréal Sotto
Les fondamentalistes s’installent à l’Assemblée en Egypte. Les Frères musulmans, qui avaient déjà remporté 34 sièges sur 144 lors de la première phase des législatives, ont récolté dimanche 13 sièges supplémentaires à l’issue de la seconde phase. En triplant leur nombre de députés par rapport à 2000, ils inquiètent sérieusement le régime place. Se sentant menacé, il a aussitôt entamé d’importantes mesures répressives, entraînant de nombreuses arrestations et causant la mort de plusieurs personnes.
Un mouvement interdit mais toléré
Les Frères musulmans sont un mouvement intégriste interdit mais toléré par gouvernement égyptien depuis 1954. « Le mouvement comptait entre cent mille et cinq cent mille militants actifs, payant leur cotisation mensuelle, auxquels il faut ajouter les nombreux sympathisants » indique le Monde Diplomatique. Ils sont représentés à l’Assemblé par des candidats indépendants, dont tout le monde connaît leurs appartenances politiques. Leur principale revendication est la création d’un état islamiste. Néanmoins depuis quelques années « les Frères assurent de leur attachement sans réserve à la démocratie sans l’habiller des vêtements islamiques. […] Ils insistent sur la notion de citoyenneté et d’égalité entre tous les citoyens », poursuit le mensuel.
Les élections législatives égyptiennes se déroulent en trois phases, elles même séquencées en plusieurs tours, pour permettre aux différentes régions de voter successivement. L’Assemblée de 444 sièges est ainsi progressivement constituée. Dimanche, 144 sièges étaient en jeu pour 1 706 candidats à travers 9 provinces. La dernière phase se déroulera du 1er au 7 décembre. Au total, Les Frères Musulmans ont déjà remporté 47 sièges. Le parti espère atteindre la barre des 65 sièges, car cela leur permettrait de briguer la présidence du pays. En effet, pour pouvoir présenter un candidat « indépendant », il faut réunir 260 voix de soutien, dont 65 voix de députés. Cette perspective peut expliquer pourquoi le gouvernement s’est senti particulièrement menacé, même si sa majorité n’est pas menacée au sein du parlement.
Un climat tendu
Si les élections s’étaient déroulées dans le calme lors de la première phase, l’annonce des premiers résultats (le 15 novembre) a entraîné de violents affrontements entre les partisans du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir) et les militants de la confrérie . Plus de 450 islamistes ont été interpellés, « pour incitation à la violence et trouble à l’ordre public », a indiqué le gouvernement. L’organisation égyptienne des droits de l’Homme a dénoncé des actes d’intimidation commis par les militants du PND envers les électeurs à Alexandrie et Ismaïlia (deux bastions des Frères musulmans »), mais aussi l’enlèvement d’un des membres de la confrérie à Port Saïd et le meurtre d’un militant, poignardé à l’intérieur d’un bureau de vote dans le Delta du Nil. Deux autres personnes ont été tuées à l’arme blanche, et plusieurs autres blessées.
Ces troubles semblent révéler en grande partie l’affaiblissement du régime du Président égyptien Hosni Moubarak qui refuse d’accepter les règles du jeu démocratique. « Les incidents de dimanche montrent que les autorités sont revenues à leurs vieux démons. Cela prouve que le gouvernement, ou le régime, n’a pas l’intention d’honorer ses promesses de réels changements politiques et constitutionnels », a déclaré Essam Al-Erian, l’une des figures de proue de la confrérie. Mais on pourrait toutefois s’interroger sur le discours et les promesses démocratiques des islamistes, qui veulent résolument monter patte blanche. Patte blanche, mais peut être pas pour tout le monde. Le pays frappé à de multiples reprises par les attentats de mouvements religieux radicaux, pourrait une fois de plus connaître une vague de violence en réponse à la répression orchestrée par l’Etat.