Quinze millions de Marocains sont appelés aux urnes vendredi pour élire leurs 325 députés. Les islamistes modérés, qui se sont rapprochés des couches moyennes urbaines, sont bien placés pour réaliser une percée, selon certaines enquêtes d’opinion. Les socialistes estiment quant à eux que leur bilan permettra d’améliorer leur score de 2002.
Par Aurore Assombri
Plus de trente partis sont en lice pour les législatives marocaines de vendredi, mais tous les regards sont tournés vers le Parti de la justice et du développement (PJD). La question qui brûle toutes les lèvres est : les islamistes modérés de ce mouvement effectueront-t-ils une percée ? Autre interrogation : l’Union socialiste des forces populaires (USFP), principal parti de la coalition gouvernementale avec les nationalistes de l’Istiqlal, se maintiendra-t-il en pôle position comme en 2002 ?
Les islamistes modérés auraient la cote
Il sera difficile de trancher pour les quinze millions de Marocains appelés aux urnes pour élire les 325 membres de la chambre des représentants (chambre basse du parlement) – dont trente devront être des femmes. Le PJD, qui avait glané 42 sièges en 2002, semble avoir une certaine cote. Un sondage de l’institut américain International Republican Institute datant de 2006 révélait que 47% des Marocains le soutiendraient. Une tendance confirmée par deux enquêtes d’opinion non officielles réalisées en juillet et août : elles donnaient le PJD largement gagnant sur l’USFP et l’Istiqlal… Si bien que son secrétaire général, Saadedddine Othmani, a confié au journal français Pèlerin qu’il considèrerait l’acquisition de « 75 à 80 députés » comme une « victoire ».
Cette confiance semble s’expliquer par la stratégie rassurante des islamistes modérés, qui se sont rapprochés des couches moyennes urbaines traditionnellement draguées par l’USFP. Saadedddine Othmani est jugé par certains comme un homme très policé. Ils répètent aussi à l’envi à ceux qui craignent l’instauration d’un régime islamiste qu’il n’est pas question de revenir sur les acquis obtenus ces dernières années. Objectif : rassurer alors que la crainte d’attentats islamistes reste toujours aussi forte et que les attaques de Casablanca de 2003, qui avaient fait 46 morts, sont encore dans tous les esprits.
Bilan mitigé des socialistes
Les adversaires les plus sérieux pour le PJD pourraient bien être le mode de scrutin proportionnel à un tour et le roi Mohammed VI. Le roi a accepté ce parti parce qu’il le reconnaît comme « commandeur des croyants », mais le pouvoir a pris des mesures pour circonscrire une éventuelle percée. Il a notamment adopté un découpage électoral qui doit desservir les islamistes modérés, qui cette fois-ci présent dans la quasi-totalité des 95 circonscriptions : la nouvelle carte surreprésente les campagnes, sur lesquelles le discours islamiste a moins prise.
Quant aux socialistes, ils s’appuient sur leur bilan pour espérer une large victoire. Ils clament avoir accompli de grandes œuvres en matière économique (privatisations, emploi, investissements étrangers, tourisme…) et sociale (code de la famille, habitat, sécurité sociale, électrification de zones rurales…). Seulement, si la croissance était de 8,1% en 2006, elle est loin de profiter à la majorité. Pire, le chômage concernerait actuellement 7% de la population active mais 14,9% de la tranche 15-34 ans. L’USFP, qui espère améliorer son score de 2002 (50 sièges), pourrait par ailleurs souffrir de « l’usure du pouvoir faute d’un renouvellement de ses cadres et de ses militants », a expliqué politologue marocain Mohamed Tozi à l’AFP.
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