Leçon de démocratie : après le Malawi et la Zambie, à qui le tour ?


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Edgar Lungu et Hakainde Hichilema
Edgar Lungu et Hakainde Hichilema

Les pratiques électorales montrent, depuis plusieurs années, qu’en Afrique, un chef d’État en exercice ne perd jamais les élections qu’il organise. Mais depuis un an, un vent nouveau semble souffler sur le continent, en commençant par sa partie australe. Après le peuple malawite qui a puni, en juin 2020, son Président, Peter Mutharika, c’est le peuple voisin de la Zambie qui a décidé de suivre ses pas, en boutant dehors, par la voie des urnes, celui qui présidait sa destinée depuis six ans, Edgar Lungu. Puisqu’il n’y a jamais deux sans trois, il n’est donc pas exclu de voir cet exemple essaimer.

Elle semble de plus en plus contestée cette horrible “tradition” qui veut que les Présidents africains, même après la gouvernance la plus catastrophique, se garantissent un plébiscite, à l’occasion de parodies d’élections où le suffrage du peuple censé être souverain n’a aucune valeur. À la suite du voisin malawite, le peuple zambien vient de sanctionner celui qui, depuis environ six ans présidait à sa destinée. Edgar Lungu, Président sortant de la Zambie, vient d’être écrasé par son principal opposant, Hakainde Hichilema. La volonté du peuple, sorti massivement (plus de 70% du taux de participation), s’est exprimée, et tel un couperet, la sentence est tombée : exit Edgar Lungu ! Le peuple en a marre de votre gestion chaotique.

Durant toute la campagne électorale, qui s’est déroulée dans une atmosphère des plus tendues, les difficultés économiques du pays ont été au cœur des débats. Une dette colossale de 12 milliards de dollars pèse sur la Zambie devenue le premier pays en défaut de paiement sur le continent africain, depuis le début de la crise sanitaire. Pour Hakainde Hichilema, cette dette n’aurait jamais dû exister. « Ils ont créé la crise de la dette et ils ne savent pas comment en sortir. Ils ont déraillé sur beaucoup de choses, même sur la gouvernance. Les niveaux de corruption sont sans précédent », avait déclaré l’opposant, en mai dernier.

Hakainde Hichilema avait par ailleurs fustigé l’endettement dont le but n’était pas de réaliser des investissements rentables pour le pays, mais plutôt de financer des dépenses de consommation de luxe de fonctionnaires « corrompus ». Par ces actes dénoncés avec vigueur par l’opposition, Edgar Lungu a progressivement vu se créér une fracture entre son peuple et lui. Et au moment de décider, le peuple a prononcé sa sentence, implacable.

La Zambie à l’école du Malawi

Dans cette démarche, la Zambie a marché dans le sillage du Malawi qui, un an plus tôt, montrait la voie. En juin 2020, l’opposant Lazarus Chakwera dictait sa loi au Président sortant, Peter Mutharika, qu’il a battu à plate couture, après la reprise de l’élection présidentielle. Les protestations du Président sortant, battu, qui dénonçait des irrégularités n’ont été qu’un coup d’épée dans l’eau. Quand le peuple a réellement décidé, rien ne peut changer le cours des événements. Et c’est ce qui risque de se produire en Zambie également. Avant la proclamation des résultats définitifs, Edgar Lungu, voyant sa défaite profiler à l’horizon, avait déjà commencé par crier à la fraude.

« En ce moment, certains de nos agents et sympathisants se cachent à cause de ces actes criminels. Comment les élections peuvent-elles être justes, alors que des gens ont été assassinés et que beaucoup d’autres se cachent après avoir été brutalisés. C’est ça la démocratie ? », s’était interrogé le Président sortant, avant de poursuivre : « Nous avons écrit à la Commission électorale de Zambie, mais ils ont continué à annoncer les résultats. Donc, nous consultons sur la prochaine décision que nous devons prendre ».

Quelles que soient les gesticulations d’Edgar Lungu, alea jacta est ! Il partira, puisque vox populi, vox Dei. Et ceci doit servir de leçon aux autres Présidents qui doivent comprendre qu’ils ont été mandatés par le peuple. Et qu’en tant que tels, tous les actes qu’ils posent, toutes les actions qu’ils mènent doivent être centrés sur le peuple et ses intérêts. L’exemple donné par le Malawi et la Zambie doit faire école, en vue d’une amélioration de la gouvernance en Afrique, pour le plus grand bénéfice du véritable détenteur du pouvoir, le peuple. Vivement la fin des commissions électorales, des Cours constitutionnelles ou suprêmes aux ordres, pour une expression véritablement démocratique des suffrages des peuples en Afrique. 

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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