Le Zimbabwe, suspendu du Commonwealth depuis les présidentielles truquées de mars 2002, n’a pas été invité au dernier Sommet d’Abuja. Pire, les dirigeants de l’organisation réunis ce week-end au Nigeria ont décidé de poursuivre les sanctions qui touchent le pays. C’en était trop pour Robert Mugabe. Le Président zimbabwéen a annoncé dimanche le retrait de son pays du Commonwealth.
C’est à l’issue de la conférence de son parti, dimanche, que le Président Robert Mugabe a annoncé sa décision : « Le Zimbabwe quitte le Commonwealth avec effet immédiat ». Les dirigeants du Commonwealth, réunis depuis vendredi à Abuja (Nigeria), venaient de décider de maintenir la suspension du Zimbabwe pour une période illimitée, sa réintégration étant liée aux progrès démocratiques effectués dans le pays. Ce dernier avait été suspendu des réunions ministérielles de l’organisation en mars 2002, suite aux élections présidentielles entachées par une fraude massive, des violences et des persécutions d’opposants. Un scrutin irrégulier qui avait renouvelé une fois de plus le mandat de Mugabe.
Alors qu’il n’a pas été convié au sommet d’Abuja, Robert Mugabe avait menacé de retirer son pays du Commonwealth s’il n’était pas traité de la même façon que les 53 autres membres et si ce sommet ne votait pas sa réintégration. Un sujet qui a occupé une bonne partie des débats de ce week-end.
Suspension inacceptable
Une commission de six membres, mise en place pour statuer sur la suspension, a éprouvé des difficultés à trouver un consensus sur la question : le Canada et l’Australie se sont prononcés pour la poursuite des sanctions, le Mozambique et l’Afrique du Sud, contre, tandis que l’Inde et la Jamaïque n’ont pas su faire de choix clair. Au final, le Zimbabwe n’a pas été autorisé à réintégrer l’organisation. L’une des raisons : le régime de Robert Mugabe viole « de façon évidente tous les principes du Commonwealth que sont la démocratie, le respect des droits de l’Homme et la bonne gouvernance », a expliqué le Premier ministre britannique Tony Blair.
Cette annonce a sonné comme une défaite pour un Robert Mugabe qui a jusqu’ici été soutenu par ses pairs africains et bénéficié d’une solidarité régionale. L’Afrique du Sud, notamment, continue de prôner le dialogue à la place des sanctions. Le chef de l’Etat zimbabwéen a déclaré que cette suspension était « inacceptable ». Lors du rassemblement de son parti (Zanu-PF), il a dénoncé le Commonwealth, « piraté par des racistes » qui se mêlent des affaires intérieures de son pays, ajoutant qu’il ne sacrifierait pas « la souveraineté et l’indépendance du Zimbabwe ». Dont acte.
Coup de tête illégal
Les réactions n’ont pas tardé : l’un des porte-parole du Commonwealth, Joel Kibazo, a qualifié la décision de Mugabe de « décevante », déclarant que l’organisation souhaitait malgré tout le retour du Zimbabwe dans ses rangs et ferait tout son possible pour persuader le gouvernement zimbabwéen. Lundi, Jack Straw, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères britannique, affirmait : « C’est un coup de tête du Président et je pense que c’est une décision qu’il regrettera et que le peuple zimbabwéen regrettera ».
Côte zimbabwéen, le Mouvement pour un changement démocratique (MDC), principal parti d’opposition, a immédiatement condamné la décision présidentielle. « Celle-ci a été prise sans l’approbation du cabinet, ce qui est contraire à la loi et ne respecte pas la Constitution », explique le secrétaire-général du MDC, Welshman Ncube. « Nous avons subi pendant longtemps les tyrannies, les intimidations et les meurtres de Mugabe, aujourd’hui le monde entier voit de quoi il est capable. » Lovemore Madhuku, le président de l’Assemblée nationale est du même avis : « Le Zanu-PF n’a pas le droit de faire sortir le pays du Commonwealth de façon unilatérale, sans consulter la nation. Ceci est le résultat des tendances dictatoriales de Mugabe et c’est encore le peuple qui va le plus en souffrir. »