Comment faire entendre raison à Mugabe, dès lors qu’il parvient à empêcher toute alternance? Quelle légitimité pour l’action internationale? Quels moyens employer contre un pays exsangue?
La situation politique au Zimbabwe plonge l’ensemble de la communauté internationale dans le doute et l’irrésolution. Le Secrétaire au Foreign Office, David Miliband, en déplacement en Afrique du Sud, a appelé tous les pays du monde à « condamner d’une seule voix » la réélection du président zimbabwéen, Robert Mugabe, ajoutant que l’opposition, en la personne de Morgan Tsvangirai, qui dirige le Mouvement pour le Changement Démocratique, devait désormais gouverner…
Certes, David Miliband et un grand nombre de chancelleries européennes ou africaines ont raison de s’élever contre la manière dont a été organisé le second tour du scrutin, puisque le candidat arrivé en tête au premier tour en mars n’a pas été en mesure de maintenir sa candidature au second tour fin juin, par suite des menaces et intimidations auxquelles lui-même et ses partisans étaient confrontés.
Le vieux leader zimbabwéen et ses fidèles avaient en effet annoncé qu’en aucun cas ils ne se soumettraient au verdict des urnes, si celui-ci leur était défavorable. Le retrait de Morgan Tsvangirai était donc avant tout nécessaire pour éviter que le pays sombre dans la guerre civile.
C’est aussi cette volonté de maintenir coûte que coûte la paix civile qui inspire aujourd’hui la médiation prudente engagée par Thabo Mbeki, le Président sud-africain, à qui nombre de ses concitoyens, mais aussi la plupart des pays occidentaux, reprochent une attitude apparemment trop conciliante envers Robert Mugabe.
Pour autant, y-a-t-il une alternative? Peut-on imaginer une intervention étrangère au Zimbabwe, et quelles armées s’arrogeraient le droit d’entrer sur le territoire du Zimbabwe pour imposer par la force « la (supposée) volonté du peuple du Zimbabwe » qu’évoque David Miliband? Peut-on faire usage du « droit d’ingérence politique », alors qu’on voit à quelles difficultés juridiques et pratiques se heurte le « droit d’ingérence humanitaire »?
Faut-il alors souhaiter des mesures de rétorsion économiques? Mais quelles seraient les premières victimes de ces mesures, dans un pays où l’inflation a déjà atteint des sommets vertigineux, où la valeur de la monnaie se dégrade chaque jour, où la crise économique frappe tous les secteurs, et met en danger la sécurité alimentaire des plus démunis?
Les dirigeants africains peinent à adopter une position commune, car nombre d’entre eux sentent qu’une intervention extérieure trop forte contre Mugabe pourrait constituer un précédent… Qui leur serait applicable le jour où leur propre pouvoir serait pareillement contesté, et s’ils avaient la tentation de se maintenir, comme lui, par la force!
Que reste-t-il alors comme espoir au peuple zimbabwéen, hormis l’exil (mais les récents événements xénophobes qui ont agité l’Afrique du Sud leur ferment en partie cette issue) ou la patience?
On avait rêvé pour le XXIème siècle un ordre international, une ONU plus active, capable d’imposer des règles démocratiques partout dans le monde… Tant que le système international ne sera pas mieux établi, renforcé, mieux considéré, tant qu’il n’aura pas les moyens de faire un peu plus la police pour imposer les règles de fonctionnement démocratiques sur tous les continents, il faut se résoudre à contempler de loin les drames politiques, sociaux et économiques qui se jouent à l’intérieur des frontières des autres nations.
Cela devrait encourager tous les Africains à se battre pour donner plus de force à l’Union africaine, et à mettre leurs diplomaties au service d’une revitalisation de l’Organisation des Nations Unies. L’enjeu de la mondialisation n’est pas seulement un enjeu capitaliste : c’est celui d’une gouvernance mondiale au service de tous les peuples du monde.