Des propos islamiques sur le tsunami en Asie expliquant qu’il s’agissait-là d’un châtiment divin ont provoqué un véritable tollé au Maroc. D’autant que les fondamentalistes ont manifesté dans la rue pour soutenir ces allégations, publiées dans un quotidien proche des islamistes, au nom de la « liberté d’expression ». Une situation qui ravive le débat sur l’intégrisme et ses dérives au Maroc.
Par Valentine Lescot
Le tsunami qui a frappé l’Asie du Sud Est ? “ C’est un châtiment divin et un sérieux avertissement au Maroc, devenu une destination du tourisme sexuel ”, écrit la semaine dernière dans un éditorial le rédacteur en chef d’Attajdid. Ce n’est pas la première fois que ce journal, proche du PJD (Parti de la justice et du développement, première force d’opposition islamiste au parlement), tient des propos extrêmes et provocateurs, indignant classe politique, presse et associations marocaines. Il y a quelques temps, les colonnes d’Attajdid avait comparé les Juifs “ aux porcs et aux singes ”, ou expliqué que Mehdi Ben Barka “ devait être tué 3 fois car il ne respectait ni Dieu ni roi ”.
“ C’est ce que pensent vraiment les islamistes présents au Parlement qui se présentent comme des modérés et disent accepter les règles démocratiques ”, explique Jamal Berraoui, président de l’Association marocaine pour la lutte contre la haine et le racisme (AMLHR). “ A chacun de leurs propos, nous avons réagi. Leur discours est fascisant, il appel au meurtre. C’est de cette manière que 16 jeunes se sont fait exploser ”, ajoute-t-il, faisant référence aux attentats du 16 mais 2003 à Casablanca. Quelques jours après, cette attaque des intégristes avait provoqué pour la première fois au Maroc une manifestation rassemblant plusieurs milliers de personnes.
Manifestation et contre manifestation
Suite aux écrits d’Attajdid, l’AMLHR, rejointe par une quarantaine d’associations nationales, a organisé une manifestation “ contre le terrorisme et l’intégrisme ”, samedi dernier, devant les locaux du quotidien incriminé, place Bab El Elou à Rabat. Les associations des victimes du 16 mai et celles des victimes du séisme d’Al Hoceima, d’Agadir et de Settat étaient aussi présentes. Au même moment et au même endroit, des centaines d’islamistes sont venus défendre le journal. Parmi eux se trouvait Mustapha Ramid, membre dirigeant du PJD. Abdelilah Benkirane, directeur d’Attajdid, a affirmé dans le quotidien marocain L’Opinion, que ce sit-in intervenait pour défendre le “ droit d’exprimer ses opinions en toute liberté ”. “ Le racisme, comme l’incitation à la haine et au meurtre, n’est pas une opinion, c’est un délit. Les islamistes ne doivent pas se cacher derrière la liberté d’expression ”, rétorque Jamal Berraoui.
Cette affaire a été, semble-t-il, la goutte d’eau de trop pour les associations anti-intégristes marocaines. Regroupées en collectif, elles condamnent “ l’exploitation lâche de la souffrance humaine à des fins bassement obscurantistes et manipulatrices ” et annoncent que “ la société marocaine ne permettra plus aux tenants de l’idéologie de la haine de faire ce qu’ils ont fait pendant des années ”. Le combat a commencé il y a une dizaine d’années seulement. Un réseau d’associations de lutte contre l’intégrisme va être mis en place pour sensibiliser les populations sur les risques de la pensée islamiste.