Je suis conscient que les hommes viennent avant l’État, puisqu’il n’y a pas d’Etat sans les hommes et c’est pourquoi je pense qu’on ne peut pas tuer les hommes au nom de l’État. Cependant, je n’exprime pas mon patriotisme dans l’exclusion de la conscience tribale, puisqu’il serait, selon moi, un génocide culturel que de vouloir tuer ou nier les différents peuples dont dispose le Cameroun.
Alors être Bamileké, Bassa, Bororo, Maka ou Béti n’est pas un problème, c’est vouloir haïr l’autre à cause de cette différence qui en est un.
Durant la dernière conférence que le CLUB AFRIQUE VISION a organisée à Douala, plusieurs personnes ont demandé à savoir s’il y avait une solution directe contre le tribalisme. Certains proposaient le mariage mixte obligatoire ou encouragé, d’autre l’affectation entre les tribus…
Mais nous avons, après quelques recherches sur l’histoire de notre pays, convenu que le tribalisme est une construction coloniale que les dirigeants d’aujourd’hui utilisent pour assoir les dictatures. « Diviser pour mieux régner » n’a jamais été autant vérifié que dans la tribalisation de la vie politique, et c’est ce que font les dirigeants camerounais d’aujourd’hui.
Dans mon livre Afriqu’ombre, au chapitre 6 intitulé « La République sous les tropiques », je rappelle à la population africaine de prendre conscience de cette pratique. Quand on arrive à revendiquer un ministre pour son village où un Secrétaire d’Etat pour sa tribu, c’est que nous sommes déjà tombé dans le piège de ladite tribalisation ; car le ministre est celui de la République et non du village.
Tout de même, de façon subtile, on amène une tribu à défendre mordicus le pouvoir du Président, médiocre, fut-il, au nom de la tribu. Ceux de l’autre tribu sont ainsi incités à revendiquer leur tour de pouvoir comme ceux qui revendiquent aussi un ministre dans leur village. Les vrais problèmes de la république peuvent ainsi être oubliés par le peuple, et désormais, chacun aura les yeux tournés vers les luttes contre l’autre, soutenir les élites de son village figurant parmi les membres du gouvernement.
Ils finissent par en faire un devoir tribal. Après un scrutin électorale fâcheux, on pousse le peuple à croire que les élections sont organisées sur fond de compétition tribalo-ethnique.
Mais, quand une voiture de transport en commun fait un accident à cause du mauvais état de la route, la mort ne reconnait ni tribus ni ethnies, elle frappe tout le monde. La question la plus essentiel n’étant plus celle de savoir à quelle tribu appartient le directeur de l’agence de voyage, mais plutôt celle de savoir pourquoi nous n’avons pas toujours de route malgré les promesses politiques.
De même, quand le prix des denrées alimentaires augmente sur le marché à cause de la mauvaise gestion économique, le panier de la ménagère se vide. La faim qui frappe les familles ne reconnait ni tribus ni ethnies.
Les mauvaises pratiques des dirigeants coûtent chères à tout le monde, et nous devons nous engager à les sanctionner sans distinction, puisque la souffrance qui en découle n’a ni tribu ni ethnie. C’est dire que l’erreur est de s’abriter derrière sa tribu pour protéger un gouvernement qui manque à son devoir et d’hypothéque ainsi l’avenir de la nation.
Les snipers des réseaux sociaux qui instrumentalisent le peuple et manipulent les consciences sont pourtant les employés de certaines officines. Ils reçoivent mandat pour véhiculer le tribalisme, sachant bien que cela participera à diviser le peuple sur de fausses raisons afin qu’on ait le sentiment que le mal-être social n’est pas la misère qui touche tout le monde, mais les conflits entre les ethnies.
Nous ne devons pas tomber dans leurs pièges
L’élection présidentielle au Cameroun n’a jamais été tribale. Si chaque candidat a souvent gagné dans sa tribu, c’est juste qu’on doit toujours avoir l’amour des siens avant de conquérir celui des autres. Cependant, même cette logique n’a souvent pas marché au Cameroun. Pour preuve, Paul Biya a plus de députés à l’ouest que les candidats Bamiléké, tout comme il l’a dans le Sud-ouest et Nord-ouest. D’où vient-il que les uns et les autres veulent nous faire croire que voter un candidat Bamiléké c’est du tribalisme ?
Les sous-Préfets des arrondissements de l’ouest que nous connaissons ces dernières années sont en majorité Béti et vivent en harmonie avec le peuple. Les premiers Bamilékés installés à Douala ont eu des terrains gratuits, puisque le peuple vivait en symbiose jusqu’au ce que le système les divise.
Alors, il serait aberrant de croire que le reflexe tribal d’aujourd’hui est un comportement inné chez le camerounais. Non, c’est une stratégie des dirigeants et autres hommes politiques pour mieux dominer sur le peuple. Cette division se traduit constitutionnellement par les termes d’autochtone et d’allogène que nos » intellectuels » ont bien fait de mentionner. Ce qui ne devrait pas être en principe.
Les peuples d’Afrique ont toujours vécu en harmonie dans un même territoire. Le modèle sociétal pyramidal était la garantie de la stabilité. Aujourd’hui, pris au piège du modèle occidental et de la manipulation des hommes politiques, nous avons atteint le seuil de la bêtise, et les conséquences qui peuvent s’en suivre ne sont pas souvent les moindre.
Une question centrale reste et qui nous vient aussi bien des réseaux sociaux que de notre entourage : « qui peut mieux diriger le Cameroun ? » La réponse à cette question devient évidente : Les Camerounais ressortissant de toutes les ethnies qu’on y rencontre. Nous sommes invités à une prise de conscience de ce fait et de plus nous laisser berner par ces tentatives de division.
Arrêtons la sorcellerie et montrons-nous plus lucide et unis.