La ligne ferroviaire Abidjan-Ouagadougou, fermée depuis le 19 septembre 2002, pourrait reprendre prochainement ses activités commerciales. Ce week-end, un convoi test a permis d’inspecter pour la première fois la voie en zone rebelle. Un espoir pour les salariés de la Sitarail, la société qui gère la ligne, en chômage technique depuis le début de la crise.
Samedi, la ligne ferroviaire Abidjan-Ouagadougou a repris du service. Partiellement. Après presque huit mois d’absence, le train, parti de la localité de Yapo, près d’Abidjan, samedi à 9h30, est arrivé à 18h40 sur le quai de la gare de Bouaké, quartier-général de la rébellion. Il a ensuite continué sa route jusqu’à la frontière burkinabé, à Laléraba, et sera de retour à Abidjan mercredi ou jeudi. A son bord : 52 passagers. Le convoi compte trois locomotives désolidarisées, un plateau roulant accueillant quinze soldats français de l’Opération Licorne et un wagon de marchandises transportant onze soldats de la force de la paix de la Cedeao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), trois représentants des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), trois représentants de la rébellion, et les agents de la Sitarail (Société internationale de transport africain par rail).
C’est cette compagnie (filiale du groupe français Bolloré, qui détient 67% des parts) qui gère les 1 150 km de voie entre Abidjan et Ouagadougou. » Ce train est un convoi technique, il fait l’état des lieux « , explique Mariam Diallo de la Sitarail. » Normalement, nos gardes-lignes visitent la voie tous les jours pour déceler des anomalies mais la zone autour de Bouaké n’a pu être inspectée depuis le 19 septembre 2002, date du début de la crise. Nous devons faire le point sur nos installations, y compris téléphoniques. La zone sud est pluvieuse et connaît des problèmes d’ensablement et d’éboulements de terrain. Nous allons voir s’il y a des réparations à effectuer. » Lors de cette période d’essai, le train n’a pas été jusqu’à Ouagadougou car le rail côté burkinabé est régulièrement entretenu.
Chômage technique
» Cela fait deux fois qu’on tente de faire partir ce convoi, nous avons dû repousser l’échéance en avril à cause des troubles dans la région. Cette fois-ci, tout se déroule comme il faut. Il s’agit pour nous d’un formidable espoir. Nous renaissons ! » s’enthousiasme Mariam Diallo, directrice de la communication, qui souffre comme les autres agents de la Sitarail du chômage technique. Sur les 1 650 salariés de la société, 40 personnes ont été maintenues au Burkina et 70 en Côte d’Ivoire pour assurer le service minimum.
» La Sitarail a payé les salaires de septembre avant de placer les agents ivoiriens en chômage technique le 10 octobre dernier. La législation ivoirienne n’autorise pas plus de deux mois de chômage technique en un an, nous avons donc passé des protocoles d’accords avec les agents. Comme ça, au moins, ils sont sûrs de retrouver leur travail dès la reprise du trafic. Côté Burkinabé, le train a roulé un peu plus longtemps et comme la législation n’autorise pas le chômage technique, nous avons suspendu les contrats le 7 novembre 2002. »
Restaurer la confiance
Le train, principal débouché maritime pour certains pays enclavés comme le Niger, le Mali et le Burkina, circulait quotidiennement avant le début de la crise, transportant jusqu’à 350 000 tonnes par an d’hydrocarbures et des milliers de containers. Depuis septembre 2002, des tonnes de marchandises à destination de Ouagadougou sont d’ailleurs restées bloquées au port d’Abidjan. » Nous attendons les conclusions de ce convoi-test pour savoir quand le trafic pourra reprendre normalement « , conclut Mariam Diallo. » Mais nous savons d’ores et déjà que nos communications ont été sabotées dans la zone aux mains des rebelles. Il y aura des réparations à effectuer avant la reprise. »
Ce test coïncide avec la visite, vendredi dernier à Abidjan, du ministre burkinabé des Affaires étrangères Yousouf Ouédraogo et de la volonté des deux pays voisins de restaurer la confiance en sécurisant leurs frontières communes. Ce même jour, le gouvernement ivoirien de réconciliation nationale a décidé de supprimer toutes les » zones de guerre » sur l’ensemble du territoire, une classification qui empêchait le retour à la normale des activités administratives et économiques dans la moitié nord de la Côte d’Ivoire, jouxtant le Burkina et sous contrôle rebelle.