A l’occasion du Salon du tourisme de Paris, Afrik a rencontré MM. Ahmed Boufares, Directeur général de l’Office National du Tourisme (ONT) et Hamouche Belkacemi, Président Directeur général de l’Entreprise Nationale Algérienne du Tourisme (ONAT). Deux regards pour une même vision de l’avenir du tourisme en Algérie. Interview croisée.
Le tourisme est un atout pour l’économie algérienne et pourrait constituer une ressource alternative aux hydrocarbures épuisables au cours de ce siècle. En 2008, ce sont plus de 1,8 millions de visiteurs qui ont foulé le sol algérien. L’activité est en hausse régulière. Et les acteurs du secteur veulent promouvoir le tourisme dans un esprit de développement durable. Explications d’Ahmed Boufares et Hamouche Belkacemi.
Afrik.com : Quelle est l’importance aujourd’hui du tourisme en Algérie?
Hamouche Belkacemi : Le tourisme est appelé à se développer, parce que l’Algérie est depuis très longtemps une terre d’accueil, que cette hospitalité historique a été mise entre parenthèses pendant quelques périodes de son histoire récente, mais que les fondamentaux sont là : des richesses inexploitées encore, des destinations uniques au monde, et la volonté de les développer avec un tourisme de qualité, plutôt qu’un tourisme de masse.
Les pouvoirs publics ont décidé au plus haut niveau de s’appuyer sur une conception d’ensemble du développement touristique algérien, à court, moyen, long terme, en planifiant les investissements à réaliser et en calibrant exactement leurs impacts. C’est la tâche dont a été chargé Chérif Rahmani, Ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme.
Ahmed Boufares : Chérif Rahmani est aussi Président de la Fondation des Déserts du Monde, et l’intitulé de son ministère, comme son engagement au sein de cette Fondation, marquent bien la conception moderne, contemporaine et responsable qu’il se fait du tourisme du XXIe siècle. L’Algérie n’est pas là pour concurrencer ses voisins dans la course au tourisme de masse, qui connaît des excès, que ce soit en termes d’urbanisme, de destruction des tissus locaux, de mise en place « d’usines balnéaires » où le touriste est exploité à haut régime…
L’Algérie a des ressources touristiques propres, à tous les sens du terme, il importe que leur exploitation se fasse avec une préoccupation écologique permanente, et dans un esprit de développement durable ! Nous voulons promouvoir de nouveaux comportements touristiques, plus « responsables », plus « intégrés » dans les réalités locales, plus attentifs aux cultures, aux sociétés et aux espaces naturels préservés qu’ils traversent. Par exemple, nous avons un programme qui concerne les zones humides d’Algérie… En particulier le long de la côte qui s’étend d’El Taref, à Bejaia en passant par Annaba, Skikda, Jijel… Des lacs extraordinaires, comme les lacs Tonga, Oubeira, Mellah, Fetzara, Béni-Belaid, Tamelaht, y reçoivent à chaque migration des centaines d’espèces d’oiseaux, et ils sont considérés comme un des lieux d’observation ornithologique les plus intéressants de la planète. Rien d’étonnant donc à ce que nous nous attachions à y développer un tourisme de « niche », de haute qualité, respectueux de l’environnement, désireux de toucher au plus prêt la nature sauvage, sans souhaiter une seconde qu’on la défigure pour l’accueillir. C’est cela pour nous le tourisme du XXIème siècle : un tourisme de niche, écologique et éthique à la fois !
Afrik.com : « Sans compter le désert… »
Hamouche Belkacemi : Evidemment, le désert est une destination rêvée pour développer un tourisme de qualité, et les « portes du Sud » n’ont jamais été fermées, et elles font toujours, à juste titre, rêver ! Au sud de Biskra, avec El Oued, Touggourt, Ouargla, Ghardaïa… Nous comptons un très grand nombre de destinations qui ont un intérêt à la fois culturel, naturel, historique… Et même au plus fort de la période de repli que l’Algérie a connu du fait du terrorisme il y a maintenant presque une dizaine d’années, nous avons réussi, avec un partenaire comme Maurice Freund et Point Afrique, grâce à des vols direct pour Tamanrasset et Djanet, à développer des voyages ciblés en direction du Hoggar et du Tassili.
Nous l’avons fait avec lui parce qu’à ce moment là il était le seul à oser le proposer à ses clients et aux membres de Point Afrique, alors que les autres compagnies aériennes, même avec les mêmes informations sur la sécurité du Sahara, refusaient de prendre le moindre risque…. économique ! Ce qui nous rapprochait : des valeurs communes et la volonté de mettre le développement touristique au service des populations locales, et non le contraire ! La « stratégie marketing » dont le tourisme algérien doit se doter doit pouvoir s’appuyer sur tous nos atouts, tout ce qui fait la richesse de notre territoire, héritier d’un passé tellement divers et tellement fécond! Parlons par exemple du patrimoine antique de l’Algérie : la Ministre de la Culture algérienne évoquait 500 sites antiques répertoriés, dont à peine 20% sont aujourd’hui facilement accessibles aux touristes !
Or au-delà de Tipaza, que les Français connaissent bien grâce à Camus, il y a Djemila, Timgad, Cherchell… Autant de sites prodigieux qui pourraient faire de l’Algérie une destination aussi importante que l’Egypte pour les amateurs d’Antiquité classique…
Ahmed Boufares : Voilà comment en multipliant les marchés de niches, et en s’attachant à offrir un accueil et des services adaptés à ces clientèles modernes et responsables, l’Algérie parvient depuis quelques années à s’orienter vers une croissance régulière du tourisme sur son territoire. Nous venons de traverser deux années successives de hausse de la fréquentation touristique de l’Algérie, +7% l’année dernière, plus 9% en 2008… Pour un total supérieur à 1,8 million de visiteurs. C’est raisonnable par rapport aux pays voisins qui pratiquent le tourisme de masse. Et cela montre le formidable potentiel de croissance qui existe dans ce domaine, à condition de garder notre exigence pour un tourisme de « niche », éthique, responsable. Le tourisme peut, à ces conditions, constituer pour l’Algérie un véritable relais de croissance, et un outil de développement durable pour toute la diversité de ses territoires.
Lire aussi:
L’avenir touristique de l’Algérie se construit sur le long terme