Le Tour du Burkina Faso a célébré mercredi sa vingtième édition au départ de Ouagadougou. Lancé en 1987 sous le « régime révolutionnaire » de Thomas Sankara, il est considéré comme le plus grand Tour cycliste d’Afrique pour sa régularité. Il attire toujours plus d’équipes, aujourd’hui co-géré avec le groupe Amaury Sport organisation.
La caravane du Tour du Burkina Faso s’est ébranlée mercredi depuis Ouagadougou pour la 20ème fois de son histoire. Un record de longévité et de régularité en Afrique. Dix-huit équipes venues d’Afrique, d’Europe et d’Asie composées de six coureurs chacune participent à l’édition 2006. Elles vont se disputer la victoire en onze étapes, sous la chaleur, et en essayant d’éviter les nids de poules sur les portions de pistes dispersées à travers les 1281 Km de parcours. La première étape, Ouagadougou-Manga, longue de 91 km, a été remportée par le Belge Lionel Syne devant son compatriote Stephan Ouzwel et le Français Jean-Louis Delpêche. Le 20ème anniversaire de l’épreuve est « une immense joie », se réjouit Adama Dialo, le président de la fédération burkinabé de cyclisme et co-directeur du Tour. « Ca n’est pas évident d’organiser une course pendant vingt ans avec la conjoncture économique que nous connaissons ».
De la Route du Sourou au Faso
Ses prédécesseurs étaient encore plus convaincus de ces difficultés, au début des années 1980, lorsqu’ils caressaient l’idée de créer un grand Tour, mais désespéraient de l’insuffisance d’infrastructures hôtelières et de routes bitumées. C’est alors un ancien coureur français vivant en Afrique de l’Ouest, Francis Ducreux, qui a fait le lien entre cette volonté et sa concrétisation. Passionné de vélo, il organisait tous les ans un « Grand Prix de l’amitié franco-africaine » où il réunissait le temps d’une journée des cyclistes du continent et des coureurs européens. Lorsqu’il s’est engagé sur le projet du Tour, « il s’est battu chaque année pour trouver des sponsors et pour que la course puisse se poursuivre », se souvient Marcel Belem, directeur des sports du quotidien burkinabé Sidwaya et véritable mémoire du Faso.
Les autorités burkinabés aussi ont contribué à sa réalisation : « C’est pratiquement le gouvernement qui a ordonné le Tour ! », poursuit Marcel Belem. « Le régime révolutionnaire de Thomas Sankara » venait de prendre le pouvoir et souhaitait profiter de l’événement pour rassurer l’opinion extérieure. Son but : inviter la jeunesse africaine à visiter le pays à vélo afin qu’elle s’en retourne avec une meilleure image à diffuser autour d’elle. Quelques années plus tôt, le gouvernement Sankara avait organisé la « Route du Sourou », considérée comme l’ancêtre du Tour par Marcel Belem et Louis Doucet, journaliste pour le groupe ASO (Amaury Sport organisation) et auteur d’un ouvrage sur l’histoire du Faso à l’occasion de ses vingt ans. Thomas Sankara souhaitait alors que ses voisins de la sous-région puissent apprécier les grands travaux d’aménagement agricole qu’il avait entrepris sur cette plaine, située au nord-ouest du pays.
Afin de donner une dimension internationale au premier Faso, les autorités burkinabés ont demandé à l’Union soviétique de participer à la compétition. « Les réservistes de l’équipe nationale junior, composée des coureurs non qualifiés pour les Mondiaux de cyclisme (junior), ont tout raflé », raconte Louis Doucet. Pour connaître le classement exact des premiers Tours, ainsi que le nom des vainqueurs d’étapes, le journaliste a dû contacter les fédérations des pays vainqueurs et éplucher les colonnes de Sidwaya. « Tout était fait manuellement à la fédération, se souvient le directeur des sports du quotidien, présent sur les routes de la course dès sa seconde édition. Les documents étaient tirés à très petite quantité et il n’existait pas d’endroit précis où les ranger. »
Une équipe mixte Togo-Bénin-Niger
Depuis 2001, le groupe ASO s’est impliqué dans la compétition, « à la demande du ministère des Sports, car l’épreuve, déjà largement connue, allait disparaître faute de moyens financiers », explique [Jean Claude Hérault->], co-directeur de la course avec Adama Diallo. Le groupe français a apporté son expérience (Tour de France, Dakar) en matière d’organisation et de communication, le budget est aujourd’hui équilibré et les images sont diffusées à l’international. Les coureurs ne dorment « plus dans des écoles ou des maisons de jeunes », explique Marcel Belem, mais « ils bivouaquent et dorment à l’hôtel ». Pour pallier l’absence de relief montagneux au Burkina Faso, des portions de routes non bitumées ont été intégrées au parcours, en 2003, donnant plus de piquant et de caractère à la course. Alors que la piste était autrefois la règle, 65,5 Km en ont été dispersés cette année sur quatre des onze étapes du Tour.
L’un des objectifs des organisateurs est de faire s’affronter des coureurs non africains du même niveau que les meilleurs continentaux. C’est dans cette perspective que pour la première fois, une équipe mixte Togo-Bénin-Niger a été constituée cette année. « Ce sont des nations qui ont quelques difficultés, explique Laurent Bezault, le directeur de la course. Alors nous leur avons demandé d’envoyer leurs deux meilleurs coureurs afin qu’ils puissent tout de même participer ». La course étant « victime de son succès », la formule a également l’avantage de libérer des places pour les pays les plus compétitifs.
L’Afrique du nord de retour
Pour ses vingt ans, la Tunisie et l’Afrique du Sud ont fait état de leur volonté de participer au Tour, mais un peu tard. Mais l’Egypte et le Maroc ont repondu presents. Cela sera l’occasion de confronter les niveaux. Car si les Burkinabés semblent dominer l’Afrique du Sud du Sahara, leurs compagnons du nord, aidés par de meilleures infrastructures, ont fait mieux que se défendre les rares fois où ils ont participé au Faso. Le Marocain Abdelatif Saadoune l’a emportée à l’occasion de la dernière venue de son pays, en 2002 et Saïd Mosry Sald a fait de même en 1999 pour l’Egypte.
En plus du pays hôte, du Maroc, de l’Egypte et de l’équipe mixte, vont concourir cette année trois équipes burkinabés, trois françaises, l’Angola, la Belgique, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Japon, le Mali, le Sénégal et, pour la première fois, le Zimbabwe. Les champions burkinabés Saïdou Rouamba, Jérémie Ouedragogo et Abdul Wahab Sawadogo auront à cœur de réaffirmer leur suprématie. Le 24 septembre dernier, ils ont participé pour la première fois de l’histoire aux championnats du monde de cyclisme sur route. Ils ont respectivement bouclé un, deux et trois tours de circuit sur les douze au programme.
Erratum : Afrik a indiqué dans un premier temps que le Maroc ne participait pas au Tour du Faso, selon les informations de la direction de la course. Les coéquipiers d’Abdelatif Saadoune, vainqueur de la deuxième etape, sont finalement presents. Afrik leur souhaite bonne chance.
Palmarès par nations :
Burkina Faso 10 victoires, France, Pays-Bas 2, Allemagne, Egypte, Maroc, Russie, Ukraine 1
Copyright toutes photos : Amaury Sport organisation