Le régime du général Eyadéma est aux abois. Non seulement la communauté internationale vient encore de le marginaliser un peu plus mais son opposition, très remontée contre le chef de l’Etat, réussit l’exploit de le déstabiliser.
» C’est la faute à la mouvance présidentielle « . Le facilitateur allemand du dialogue intertogolais, Paul Joachim Von Stulpnagel, ne s’embarrasse pas de langage diplomatique. En quittant Lomé la semaine dernière, Bernard Stasi (France), Georg Reich (Union européenne), Paul Joachim Von Stulpnagel (Allemagne) et Idé Oumarou (Francophonie) ne se sont pas fait d’illusions. Les législatives prévues en mars ont peu de chance de se tenir.
La sortie de crise, qui dure depuis dix ans, est reportée sine die. Les facilitateurs du dialogue avouent que leur mission a été un échec. Et comme pour leur donner raison, les députés du parti au pouvoir (Rassemblement du peuple Togolais) doivent voter cette semaine une loi mettant fin à la mission de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) qui comportait aussi bien les partisans d’Eyadéma que des membres de l’opposition.
Agents de l’opposition
Le Premier ministre Agbeyome Kodjo ne décolère pas. Après la gifle des facilitateurs, c’est Amnesty international qui a enfoncé le clou. L’organisation des droits de l’Homme exprime son inquiétude au sujet » d’informations consistantes sur les restrictions à la liberté d’expression et d’assemblée, sur la violence contre des membres des partis politiques, sur les conditions inhumaines et cruelles dans les prisons et sur l’ampleur de l’impunité » au Togo.
Selon Amnesty, des centaines de membres du personnel civil et militaire du Togo ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires durant la décennie écoulée, et le gouvernement n’a pas encore enquêté sur les massacres de 1991, 1993, 1994 et 1998. C’en est trop pour Agbeyome Kodjo qui tente de faire amender la constitution pour permettre au général Eyadéma de se représenter de nouveau. Le lynchage médiatique peut commencer. Le facilitateur allemand et Amnesty international sont accusés de jouer le jeu de l’opposition au détriment du dialogue. Conséquence : Lomé se ferme sur elle-même.
A la crise politique se greffe une situation économique désastreuse. Les bailleurs de fonds, principalement l’Union européenne, ont suspendu leurs aides financières. Bruxelles veut bien débourser des euros mais uniquement pour la tenue des législatives. Depuis 1993, l’UE a suspendu toute relation économique avec Lomé à cause… des élections législatives controversées. Et l’Agence française de développement boude le pays depuis de nombreuses années. Seule la Banque mondiale consent, épisodiquement, à desserrer l’étau.
L’épine Yaovi Agboyibo
» Les points de vue de la mouvance présidentielle et ceux de l’opposition sont inconciliables. Les partisans d’Eyadéma bloquent la vie politique car ils ont peur d’être balayés par les urnes. Et l’opposition refuse de faire de l’entrisme et de participer à un gouvernement d’union nationale « , analyse un diplomate occidental. Ce radicalisme est incarné par le leader de l’opposition Yaovi Agboyibo. Jeudi dernier, un juge d’appel s’est prononcé contre une décision d’un tribunal de première instance qui l’avait condamné à six mois de prison mais le leader charismatique est toujours maintenu en prison.
Suprême insulte. Le chef de file de l’opposition refuse de demander sa grâce au président. Pourtant, ce dernier répète dans toutes les capitales qu’il est prêt à libérer son adversaire Yaovi Agboyibo à la seule condition que ce dernier lui fasse une demande de grâce. Mais Yaovi Agboyibo ne reconnaît aucune légitimité au général Eyadéma. Dialogue de sourd et impasse politique.
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