Une Saison des poètes au Théâtre National Algérien (TNA) et des projets pour l’Année de l’Algérie en France : Ayad Ziani Cherif, directeur du TNA, fourmille d’idées pour faire revivre le théâtre de son pays. Interview.
L’Année de l’Algérie en France sera l’occasion pour le théâtre algérien de faire le point sur sa création contemporaine et de l’exporter en France, le temps d’une saison culturelle. Ce sera aussi le moment de révéler ce que Ayad Ziani Cherif, directeur du Théâtre National Algérien (TNA), appelle les « porteurs de la parole libre ».
Pourquoi avoir intitulé le programme annuel du TNA « La saison des poètes » ?
Pour un motif précis : une ligne éditoriale mûrement réfléchie en matière de choix de poètes et de programmation. La Saison des poètes ne sera pas un fourre-tout, cela ne sera pas du « tout-venant ».
C’est la première fois depuis quarante ans que le TNA communique une année à l’avance le contenu de ses activités. Le public sait ce qui se passe de septembre à juillet. Nous insisterons sur la rigueur de cette programmation annuelle.
Qu’entendez-vous par ligne éditoriale ?
Nous faisons la différence entre un théâtre des poètes – le théâtre de la parole et la densité dramaturgique -, et le théâtre de l’anecdote. Il y a comme vous le voyez deux démarches, nous avons opté pour la première.
Que signifie pour vous le théâtre de l’anecdote ?
Un théâtre qui aspire à faire rire. C’est sa finalité. Un théâtre racoleur en somme. Le théâtre des petites répliques.
La ligne éditoriale sera donc des missions spéciales assignées à La saison des poètes ?
Absolument. Nous proposons dans notre programme un théâtre du mot et de l’image capable d’interpeller l’imaginaire. Un théâtre des créateurs : l’auteur, le metteur en scène et le comédien. Tous les gens qui interviennent dans la création. Nous aspirons à diversifier les formes et les contenus, à créer ou à recréer un répertoire.
Vous êtes dans un travail de mémoire…
Nous visons la préservation de nos auteurs. Nous nous sommes fixé la mission d’alimenter en textes et en contenus denses La saison des poètes qui est la leur. C’est une forme de réappropriation de la mémoire.
Avez-vous impliqué les théâtres régionaux dans votre démarche ?
Parfaitement. Pour cette saison 2002-2003, nous avons arrêté un certain nombre d’actions à réaliser avec le théâtre régional d’Oran. Nous sommes en coproduction avec le Théâtre régional de Batna autour de la pièce Les martyrs reviennent cette semaine. La reprise de la pièce est co-réalisée par les deux théâtres. Nous avons également intégré des troupes indépendantes dans notre programme annuel. Je citerai pour l’exemple la troupe de Jahid de Sidi Bel Abbès et des troupes de Mostaganem.
Pensez-vous secouer quelque ordre établi en matière d’échanges et de programmation entre les différents théâtres d’Algérie, étatiques ou privés ?
Nous n’avons que faire des chapelles : c’est pour cela que nous procédons pour faire éclater les cloisons. Casser quelque résistance.
En tant que directeur de théâtre, facilitez-vous la circulation des personnes artistiques entre les différents théâtres ?
C’est la démarche que je privilégierai le plus dans ma mission ; elle a déjà commencé à prendre forme de manière concrète.
Quelle est votre appréciation sur le théâtre algérien de la décennie passée ?
Des années noires, surtout pour le théâtre institutionnel. C’est vrai qu’il y avait le terrorisme. Nous voyons aujourd’hui la catastrophe quand on s’approche de toutes ces institutions culturelles à l’arrêt. Inopérantes, paralysées par mille et une contraintes en l’absence de véritable politique culturelle. Mais dire cela, c’est déjà ressasser un vieux débat qui revient cycliquement. En tout cas, à quelque chose malheur est bon parce que cela nous permet aujourd’hui de constater combien les dégâts sont importants.
Parlez-nous de L’Année de l’Algérie en France en 2003 dans son versant théâtre parce que vous êtes également directeur du département théâtre et danse au sein de cette saison…
C’est pour moi une occasion inespérée de dynamiser le secteur du théâtre, et, partant, de notre culture. Nous privilégierons en cette saison les valeurs consacrées de notre art, les valeurs sûres, celles qui peuvent le mieux incarner et traduire nos richesses culturelles. C’est aussi l’occasion d’élargir le champ aux porteurs de la parole libre, à tous ceux qui ont fait de leur théâtre l’antre de la parole libre et authentique. Pas uniquement vis-à-vis du régime mais aussi vis-à-vis de leur société.
L’année de l’Algérie, c’est l’occasion d’affirmer ces voix qui dérangent dans un milieu qui était loin d’être facile. L’année de l’Algérie, c’est la mise en exergue de cette expression liée à la vie du citoyen. Là-aussi nous avons une ligne éditoriale qui nous dicte de voir ces oeuvres en Algérie avant de les montrer là-bas. Chez nous, L’année de Algérie en France ce n’est pas de l’exportation du produit culturel tous azimuts. C’est aussi montrer des spectacles à des générations qui n’ont pas eu l’occasion de voir les oeuvres de leurs compatriotes.
Par Ben Achour Bouziane pour notre partenaire El Watan