Le boom du portable au Cameroun a entraîné un phénomène nouveau dans les écoles urbaines : les élèves, équipés de plus en plus tôt, ne se séparent plus de leur précieux objet, qui sonne pendant les cours. Déclenchant l’ire de leurs professeurs. Pour pallier le manque de réaction de l’Education nationale, les établissements s’organisent pour sévir.
Avant, il y avait la sonnerie pour annoncer la fin des cours. Maintenant, il y a la sonnerie qui perturbe les cours… celle du téléphone portable qui, mode oblige, a fait une entrée fracassante dans les établissements scolaires camerounais. Depuis un an et demi, la tension monte entre le corps enseignant et les élèves. Raison : l’utilisation abusive par ces derniers des mobiles pendant les heures de classe. Avec le boom de la téléphonie mobile observé au Cameroun depuis 1999 (le parc est passé de 5 000 à 700 000 abonnés), les jeunes n’ont pas été épargnés.
La folie mobile touche principalement les zones urbaines et les classes plutôt aisées. Les parents offrent un téléphone à leurs rejetons pour se rassurer et pouvoir les joindre à tout moment. D’autres enfants passent outre l’autorisation familiale et arrivent à rassembler les 50 000 F CFA nécessaires pour acquérir le téléphone de leurs rêves. « On trouve de plus en plus de jeunes de 15-16 ans qui sont équipés. Ma petite nièce de 14 ans a déjà son portable ! Mais ses parents lui ont interdit de l’emmener à l’école », explique un journaliste de Yaoundé.
Fouille au corps
Certains professeurs se plaignent de ne plus pouvoir enseigner correctement. Leurs élèves oublient d’éteindre leurs portables, le font sonner intentionnellement pour perturber la classe, ou demandent la permission de sortir pour aller répondre au téléphone qu’ils ont mis sur vibreur… D’un autre côté, certains profs laissent eux-aussi leurs portables allumés et répondent devant les élèves… « Dans les établissements scolaires de Yaoundé, il ne se passe pas un jour sans qu’il y ait une altercation entre un élève et un enseignant autour d’une sonnerie de téléphone », résume le quotidien Mutations qui s’est penché sur le problème.
Devant la multiplication de ces « altercations », des directeurs ont pris les choses en mains. Paulette Botouli, le proviseur du Lycée Mballa II de Yaoundé, a organisé une fouille des classes de troisième, seconde, première et terminale, pour confisquer tous les portables. Certains établissements ont été obligés d’éditer une circulaire interdisant l’utilisation du mobile entre leurs murs. L’interdiction est souvent assortie d’une confiscation, d’une convocation des parents et de jours d’exclusion. En cas de récidive, la sentence peut aller jusqu’à l’exclusion définitive. En revanche, il n’y a aucune disposition pour les enseignants.
A l’école comme à l’église
Le phénomène étant relativement nouveau, l’Education nationale n’a pas encore pris de mesures officielles. Il existe bien une réglementation qui interdit l’usage des portables, « par les élèves et les enseignants, dans un centre d’examen pendant le déroulement des épreuves écrites, orales et pratiques » mais elle n’est pas adaptée à la réalité quotidienne. « C’est difficile de faire une loi sur le sujet car cela pose le problème du libre-arbitre et de la liberté individuelle. C’est pour cela qu’il n’y a pas encore de politique globale de gestion du portable », indique le même journaliste camerounais.
Le mobile à l’école pose pourtant d’autres problèmes que les sonneries impromptues : il est sujet de frime d’un côté et de convoitise de l’autre, qui mène parfois au vol. Dans un pays où l’uniforme à l’école a été adopté pour gommer les différences sociales entre élèves, le portable les souligne et réveille toutes les tentations. Et toutes les frustrations.
Reste que les enseignants ne sont pas les seuls à se plaindre du portable. Les pasteurs eux-aussi souhaitent inculquer un peu de discipline à leurs ouailles : une sonnerie qui résonne dans l’église en pleine messe, ça fait désordre.