
Dans une décision historique, le Tribunal Arbitral du Sport a tranché en faveur de l’USM Alger dans l’affaire des maillots de la RS Berkane arborant une carte incluant le Sahara occidental. Ce verdict réaffirme le statut autonome de ce territoire et marque un revers significatif pour la stratégie d’influence marocaine par le sport. Une décision importante à quelques mois de la CAN 2025 qui se déroulera au Maroc.
Le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) a rendu une décision historique en faveur de la Fédération Algérienne de Football (FAF) dans l’affaire opposant l’USM Alger à la RS Berkane. En annulant la décision de la Confédération Africaine de Football (CAF) qui validait des maillots arborant une carte intégrant le Sahara occidental au Maroc, la plus haute instance arbitrale du sport vient d’asséner un revers retentissant à la stratégie marocaine d’imposer par le sport une souveraineté contestée sur ce territoire.
Un verdict qui réaffirme le droit international
Dans son communiqué du 26 février 2025, le TAS a jugé que la présence de la carte du Maroc incluant le Sahara occidental sur les maillots de la RS Berkane constitue « une manifestation ou une propagande à caractère politique ». L’instance s’est appuyée sur les règlements de la FIFA et de la CAF qui interdisent tout message politique sur l’équipement des joueurs, tout en rappelant que la carte du Maroc reconnue par l’ONU ne comprend pas le Sahara occidental. Cette décision vient rappeler, s’il en était encore besoin, que le statut du Sahara occidental doit être tranché en respectant le droit international, qui considère que le territoire est à « décoloniser« .
Pour Salama Mohamed Youcef, Secrétaire général du ministère sahraoui de la Jeunesse et des Sports, ce verdict représente « une nouvelle victoire pour la cause sahraouie » et « un camouflet pour l’occupant marocain qui cherche par tous les moyens à imposer un fait accompli ». Cette décision confirme les arrêts européens qui ont annulé les accords commerciaux entre l’UE et le Maroc en raison de produits issus du Sahara occidental, ou encore la récente Décision du Conseil d’Etat français demandant que les légumes exportés par le Maroc mais produits au Sahara occidental comporte un étiquetage précisant leur lieu de production.
Aux origines du conflit : l’histoire contestée du Sahara occidental
Le Sahara occidental est un territoire de 266 000 km² situé au nord-ouest de l’Afrique, bordé par le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie. Ancienne colonie espagnole jusqu’en 1975, son statut est devenu l’objet d’un différend majeur suite au retrait de l’Espagne. Le Maroc en a revendiqué la souveraineté et Hassan II organisé la « Marche Verte » en novembre 1975, tandis que le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, a proclamé la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1976.
L’ONU considère toujours le Sahara occidental comme un territoire non autonome en attente de décolonisation, et une mission des Nations Unies (MINURSO) est présente depuis 1991 pour organiser un référendum d’autodétermination qui n’a jamais eu lieu.
La fin d’une tentative de normalisation par le sport
Ce différend a éclaté lors des demi-finales de la Coupe de la Confédération CAF 2023/24, lorsque l’USM Alger a refusé d’affronter la RS Berkane tant que ses joueurs porteraient un maillot intégrant le Sahara occidental dans la carte du Maroc, véhiculant ainsi une revendication territoriale contestée. Face à l’intransigeance marocaine et la validation des maillots par la CAF, l’USM Alger et la FAF ont saisi le TAS. Le verdict qui en découle ne modifie pas les résultats de la compétition – la RS Berkane ayant disputé la finale contre le Zamalek – mais il invalide la décision de la CAF et marque un précédent important.
L’Algérie, fervente défenseuse du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, voit dans cette décision une confirmation des multiples arrêts de justice récents qui fragilisent la position marocaine sur le Sahara occidental.
Un avertissement aux instances sportives et au Maroc
Le TAS rappelle que la CAF est soumise à un « devoir de neutralité politique » et que tout équipement sportif utilisé dans une compétition officielle doit respecter cette obligation. Ce verdict met fin à une tentative d’instrumentalisation du sport à des fins de légitimation territoriale et pourrait servir de jurisprudence pour éviter d’autres initiatives similaires.
Salama Mohamed Youcef estime que cette décision est un signal fort : « Elle avertit l’occupant marocain qu’il ne pourra pas utiliser le sport comme un levier de propagande. Elle rappelle également aux instances sportives leur responsabilité dans la protection des principes de neutralité ».
Les limites du soft power marocain
Le Maroc a longtemps utilisé le sport comme une vitrine pour promouvoir sa vision du Sahara occidental. De l’organisation d’événements internationaux à la mise en avant de symboles nationaux lors de compétitions, le royaume chérifien a fait de cette question un cheval de bataille. Mais cette stratégie trouve ici ses limites. En tentant de faire valider un maillot à caractère politique, la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) a finalement provoqué une décision qui entérine la contestation internationale de son emprise sur le Sahara occidental. Une décision qui fait date alors que la CAN 2025 doit débuter fin décembre prochain au Maroc.
Cette décision du TAS crée un précédent qui pourrait influencer d’autres instances internationales confrontées à des tentatives d’utilisation du sport à des fins politiques. Mais surtout, pour la cause sahraouie, elle représente une reconnaissance supplémentaire du statut distinct de ce territoire et renforce la légitimité des appels à l’autodétermination.
Alors que le conflit du Sahara occidental reste l’un des plus longs différends territoriaux non résolus au monde, cette décision rappelle que même dans le domaine du sport, les principes du droit international continuent de prévaloir sur les tentatives d’imposer un fait accompli.
