Mohammed Azeddine Tazi signe avec Les grottes de Tanger, que les éditions Circé publient en traduction française, un roman halluciné dont les personnages s’effacent l’un après l’autre, au terme d’histoires un peu tristes et vaines.
Est-ce l’atmosphère de la ville ? Est-ce sa propre distance face à la vie ? Toujours est-il que l’auteur parvient à créer un climat, à la fois désenchanté, rêveur, profondément humain. Avec des accès de poésie et des moments de détresse, des solitudes parallèles et des fidélités durables.
Dans la galerie de portraits successifs constituée sur son parcours, il isole des figures tragiques : oncle Mimoun, maladivement jaloux, qui abandonne son bar pour rejoindre la folie « du maître de la confrérie », pour percer de flèches vengeresses une société corrompue, l’ami, dans l’attente perpétuelle de Samia, sur la tombe de laquelle le narrateur posera un jour deux roses, et deux larmes, l’inquiétant Mister Hoffman, cultivant dans le formol le culte d’un terrible secret, l’agent secret anglais, pendant la guerre, un jour disparu.
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Mais le secret suprême, c’est celui du temps, qui est passé, et qui a réduit en cendres la légèreté conquérante d’hier : le roman tient dans sa patiente résurrection. « Je vois des chevaux fougueux, des bougies, des candélabres. J’entends des rires. L’ami parle, mais ne dit rien. Il est ailleurs, mais l’écho de sa voix me parvient. » Rappelés du lointain, les souvenirs s’approchent, prennent chair, puis se dissipent, spectres bizarres. Le Tanger qu’ils traversent ne ressemble pas forcément à la ville de plaisirs nocturnes chère aux écrivains occidentaux : c’est, au confluent des espoirs et des frustrations de sa population marocaine, une ville intimement vécue, dans ses réalités quotidiennes.
Au terme de ce film intérieur, dont la cohérence s’impose, la révélation inévitable surgit : » Voilà les chevaux qui ne sont plus fougueux. J’ai brûlé la mer, cassé les sculptures et le tableau où les chevaux ont cessé tout mouvement. Voilà le monde en ruine, il ne se relèvera plus après toi, l’ami, et tout ce qui nous reste, ce sont ces distances. »
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