Lors d’une conférence au Congrès des députés à Madrid, le syndicat agricole espagnol COAG a dénoncé les accords commerciaux entre l’UE et le Maroc, récemment annulés par la CJUE. Son représentant, Andrés Gongora, a pointé du doigt ce qu’il qualifie de « pillage » des ressources sahraouies, appelant à une suspension immédiate des exportations, notamment celles issues de gigantesques exploitations agricoles dans les territoires occupés.
« À Dakhla, dans les territoires sahraouis occupés, nous assistons à l’exploitation de véritables « gigas fermes », parmi les plus grandes au monde, contrôlées par seulement cinq grands groupes. Le plus scandaleux est que certaines de ces exploitations appartiennent directement au roi Mohammed VI et à un ancien ministre marocain de l’Agriculture », dénonce Andrés Gongora, Coordonnateur des organisations agraires et d’élevage (COAG) espagnoles devant le Congrès. Ces infrastructures massives, conçues pour l’exportation vers l’Europe, symbolisent selon lui le pillage organisé des ressources sahraouies par l’élite marocaine.
Des accusations basées sur les informations de Western Sahara Ressource Watch qui expliquerait aussi l’intérêt personnel de la Holding royale dans la poursuite de l’exploitation du Sahara. Le site explique que « Les fermes sont la propriété de la société de production « Les Domaines Agricoles», né en 1960 sous le moins anonyme « Les Domaines Royaux » et l’un des nombreuses filiales du holding royal Siger »
Une exploitation massive documentée
Les chiffres du rapport 2023 de la Commission européenne sont édifiants. Intitulé « »Impact de l’extension des préférences tarifaires aux produits originaires du Sahara occidental« , il révèle qu’en 2022, les exportations vers l’UE ont atteint 203 000 tonnes, générant 590 millions d’euros de revenus. Sur ce total, 504 millions proviennent de la pêche et 85,6 millions des produits agricoles, principalement des tomates et des melons.
La progression est fulgurante : la production agricole dans les territoires occupés a bondi de 73,5% depuis 2016. Grâce aux préférences tarifaires, le Maroc a économisé 44,4 millions d’euros en droits de douane pour la seule année 2022. Une manne financière qui, selon le COAG et l’ONG Mundubat, ne profite aucunement à la population sahraouie.
Une décision de justice aux effets différés
C’est dans ce contexte que le syndicat monte au créneau après l’annulation par la CJUE de deux accords commerciaux UE-Maroc incluant illégalement le Sahara occidental. La position du COAG est catégorique : le délai de 12 mois accordé avant la suspension effective de l’accord agricole est inacceptable.
« Si la CJUE a jugé l’accord illégal, il est inconcevable que l’UE continue à l’appliquer pendant encore un an, au mépris du droit international et pour satisfaire des intérêts commerciaux transnationaux », s’insurge Andrés Gongora.
La CJUE a rappelé un principe fondamental : toute exploitation des ressources du Sahara occidental nécessite l’aval explicite de son peuple, conformément au droit international. Or, les consultations menées avant la signature des accords de 2019 ont uniquement ciblé les populations marocaines installées dans les territoires occupés, violant ainsi la quatrième Convention de Genève.
Pour les producteurs européens, ces importations créent une concurrence déloyale, aggravée par un étiquetage souvent trompeur présentant les produits comme marocains. En France, la Confédération paysanne a saisi le Conseil d’État pour exiger l’interdiction de ces produits sur le marché national.
Les entreprises françaises dans le collimateur
Western Sahara Resource Watch (WSRW) alerte également les entreprises françaises opérant dans les territoires occupés. Erik Hagen, porte-parole de l’ONG, met en garde : « Encourager les investissements dans ces territoires revient à ignorer les principes fondamentaux du droit international. Les entreprises françaises doivent se montrer prudentes et éviter de se retrouver impliquées dans une exploitation économique illégale. »
La position de l’Union européenne devient de plus en plus intenable car si les décisions de la CJUE marquent une avancée pour le respect du droit international, le délai de transition de 12 mois est perçu comme une compromission face aux intérêts économiques.
Pour Andrés Gongora et le COAG, ce délai prolonge une situation d’injustice qui pénalise doublement les agriculteurs européens tout en cautionnant un système économique opaque dans les territoires occupés. Cette situation met en lumière les contradictions de la politique européenne concernant le Sahara occidental, territoire toujours considéré comme non autonome par l’ONU.