C’est ce vendredi que s’ouvre la quatrième conférence ministérielle qui se déroule à Doha, au Qatar, jusqu’au 13 novembre. Organe de décision suprême de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), cette conférence réunira les 142 membres de l’OMC, dont désormais la Chine et Taiwan, deviendront alors officiellement membres de l’organisation multilatérale. Souhaitant accéder à l’OMC, la Russie aura des observateurs à Doha.
Un point sur lequel les participants sont unanimes : ne pas revivre le scénario de Seattle de 1999 qualifié par Pascal Lamy, commissaire européen au Commerce, de « bug » de l’OMC, en raison des désaccords sur l’ensemble des dossiers-clés dont la libéralisation du commerce agricole, l’environnement et les droits sociaux.
Après l’échec cuisant essuyé il y a deux ans, les participants sont aujourd’hui déterminés à conclure un accord pour lancer un nouveau cycle de négociations commerciales. Car ce sera le meilleur moyen de s’attaquer aux problèmes de ralentissement du commerce dont le taux de croissance est passé de 12% en 2000 à seulement 2% en 2001.
Discussions rudes
Ce nouveau round sera aussi le moyen d’empêcher la marginalisation de nombreux pays en développement. Et les événements du 11 septembre dernier rendent ce round encore plus urgent.
« Ne pas négocier équivaut à accepter le statu quo, c’est-à-dire le compromis d’hier. Un système commercial multilatéral fort, dynamique, prévisible et fondé sur des règles dans l’intérêt de tous les pays, en particulier les pays en développement », a souligné Mike Moore, directeur général de l’OMC, dans l’un de ses discours lors de réunions préparatoires à la Conférence. A Doha, sept ans après l’entrée en activité de l’OMC, les ministres devront donc prendre des décisions au sujet de l’avenir immédiat du système commercial multilatéral et de l’OMC en tant qu’institution.
En dépit des efforts pour aplanir les divergences entre nations, des fractures demeurent. D’ailleurs, l’échec du lancement à Seattle d’un nouveau round a été en grande partie le refus des pays en voie de développement d’inclure dans les négociations les questions relatives à l’environnement et au social. Pour ce dernier point, l’introduction des normes sociales dans les négociations équivaut selon les PVD à imposer pour les pays industrialisés un protectionnisme déguisé. Ces normes, édictées par l’Organisation Internationale du Travail (OIT), concernent entre autres la liberté syndicale et de négociation collective et l’abolition du travail forcé et le travail des enfants.
Le Sud en colère
La colère des PVD était montée d’un cran lorsque à Seattle, les Etats-Unis s’étaient déclarés favorables à des sanctions multilatérales contre les nations ne respectant pas les principes fondamentaux du travail.
Les discussions risqueraient d’être rudes aussi sur les questions agricoles qui opposent pratiquement tout le monde et ce, face au refus de l’UE d’éliminer les subventions à l’exportation demandée par les pays exportateurs agricoles du Groupe de Cairns.
Autres divergences, la concurrence, le règlement sur l’investissement ou encore l’accès aux médicaments essentiels, pomme de discorde entre les pays en développement et des Etats occidentaux désirant protéger les brevets de laboratoires pharmaceutiques.
Pour cette rencontre capitale, l’Union européenne met en avant quatre grands axes qu’elle considère comme essentiels pour la réussite d’un cycle de négociations qui soient conformes à ses objectifs, et qui permettent de doper l’économie aujourd’hui en crise. Depuis Seattle, l’UE a assoupli sa position pour tenir compte des revendications des pays en voie de développement.
Libéralisation des marchés
Le premier axe concerne la libéralisation de l’accès aux marchés des biens et services sur la base des règles prévisibles et non discriminatoires. Pour les Quinze, le domaine agricole, les services et les tarifs douaniers non agricoles sont « autant de volets essentiels sur lesquels doit porter l’amélioration de cet accès ». Pour être véritablement effective, cette libéralisation des marchés nécessite une approche globale plutôt que sectorielle. « Les pays en développement ont sans aucun doute besoin d’accéder plus facilement à nos marchés. Ils devront eux aussi, bien entendu, libéraliser les leurs, mais à un rythme qui leur permettra d’adapter leur économie ».
Deuxième axe, actualiser et améliorer les règles de l’OMC et ce, pour les adapter aux réalités du 21e siècle. L’Organisation internationale « doit renforcer leur portée dans les domaines de l’investissement, de la concurrence et de la facilitation des échanges commerciaux pour veiller notamment à ce que les règles fondamentales de l’OMC, c’est-à-dire la transparence et la non-discrimination, s’y appliquent ». Favoriser un ordre du jour axé sur le développement est le troisième élément de la position des Quinze.
A ce niveau, est-il estimé, l’OMC doit compléter sa fonction de gestion de l’accès aux marchés et de définition de règles par des initiatives dans des domaines comme l’aide liée au commerce, la réduction de la pauvreté et l’accès aux médicaments. Quatrième et dernier axe mis en avant par l’UE, celui de traiter de problèmes qui préoccupent le public. « L’OMC doit s’intéresser à des questions qui préoccupent les opinions publiques, par exemple la compatibilité entre les politiques environnementales et les politiques commerciales ou la crainte de voir les intérêts des consommateurs insuffisamment pris en compte dans les règles du commerce ».
Meriem Oudghiri