Le soutien de l’extrême droite européenne au Maroc et l’ombre du scandale au Parlement européen


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Maroc Sahara occidental et Union Européenne
Maroc Sahara occidental et Union Européenne

Le soutien inattendu de l’extrême droite européenne à la « marocanité » du Sahara Occidental soulève des interrogations alors que le Maroc est soupçonné d’avoir dépassé les limites acceptables du travail d’influence des eurodéputés pour défendre ses intérêts au Parlement européen. Alors que la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) vient d’annuler des accords commerciaux impliquant les territoires sahraouis occupés, des figures politiques proches des groupes d’extrèmes droites Les Patriotes de Viktor Orbán et Jordan Bardella et du groupe ECR ou siègent des anciens du parti d’Éric Zemmour continuent de soutenir Rabat. Une alliance de circonstance aux contours troubles.

Le 4 octobre 2024, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt décisif, annulant deux accords commerciaux entre l’Union européenne (UE) et le Maroc, au motif que ces accords incluaient illégalement le Sahara Occidental. Cette décision, saluée comme une « victoire historique » par le Front Polisario, a ravivé les débats autour du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et a jeté une lumière crue sur les partenariats économiques entre le Maroc et l’Europe, contraires au droit international.

Cependant, en marge de cette victoire juridique pour le peuple sahraoui, un soutien inattendu s’est manifesté au sein de la classe politique européenne du côté de l’extrême droite. Des eurodéputés comme Thierry Mariani, du groupe Les Patriotes pour l’Europe, fondé par le premier ministre hongrois Viktor Orbán et présidé par Jordan Bardella du rassemblement Nationale, et des membres du groupe Conservateurs et Réformistes Européens (ECR), ont vivement critiqué cette décision, affirmant sans équivoque leur soutien à la « marocanité » du Sahara Occidental.

Un alignement idéologique surprenant

Les réactions émanant de l’extrême droite européenne sont particulièrement frappantes. Ce groupe politique, qui inclut des anciens membres du parti Reconquête d’Éric Zemmour, a adopté une position favorable au Maroc dans ce conflit.

Des figures comme Nicolas Bay et Guillaume Peltier ont pris la parole pour dénoncer l’annulation des accords, qualifiant le Front Polisario de « mouvement séparatiste terroriste » et accusant l’Algérie de financer les insurgés sahraouis. Ces prises de position ont trouvé un écho auprès de Thierry Mariani, qui a salué la « réaction sage » du Maroc face à la décision de la CJUE.

Cette convergence d’intérêts entre le Maroc et certains courants d’extrême droite européens peut sembler paradoxale lorsque l’on connait la position de ces groupes sur l’immigration et leurs reprochent réguliers contre les pays du Maghreb.

Un long travail d’influence du Maroc au Parlement européen

Ce soutien de l’extrême droite européenne n’est cependant pas un hasard isolé. Le Maroc a longtemps œuvré au sein du Parlement européen pour faire valoir sa position sur le Sahara Occidental. Or, ces efforts d’influence se sont trouvés sous le coup d’une enquête de corruption. Alors que le Qatargate a secoué les institutions européennes en révélant des versements de pots-de-vin par le Qatar à plusieurs eurodéputés, les enquêteurs belges soupçonnent aussi le Maroc d’avoir, lui aussi, soudoyé des élus européens pour influencer leurs décisions.

Selon les révélations issues de l’enquête menée par le juge bruxellois Michel Claise, des personnalités comme Francesco Giorgi, ancien assistant parlementaire d’un eurodéputé italien, auraient reçu des fonds en provenance de Rabat pour soutenir la position marocaine au Parlement européen. Parmi les figures clés de cette affaire se trouve Abderrahim Atmoun, alors ambassadeur du Maroc en Pologne, qui aurait joué un rôle d’intermédiaire entre les services secrets marocains et des députés européens corrompus, tels qu’Andrea Cozzolino et Marc Tarabella.

Ce n’est pas la première fois que le Maroc est impliqué dans des scandales de surveillance et de corruption. L’affaire Pegasus, qui a révélé que Rabat avait espionné des personnalités politiques, dont le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, est encore dans toutes les mémoires.

En conclusion, les accointances entre le Maroc et l’extrême droite européenne montrent une alliance de circonstance, où les intérêts géopolitiques et économiques priment sur les principes idéologiques. Mais cette alliance, si elle s’avère soutenue par des pratiques illégales de corruption, pourrait à terme fragiliser la crédibilité des institutions européennes et remettre en cause la position du Maroc sur la scène internationale.

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