Le Soudan a exigé le départ de la force de l’Union africaine à la fin de son mandat le 30 septembre prochain et s’oppose à l’envoi de nouveaux Casques bleus voté jeudi par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le pays est-africain s’est dit prêt à combattre les soldats onusiens, qui peuvent être dépêchés sans son accord, comme le Hezbollah l’a fait avec Israël.
Le Soudan menace les éventuels nouveaux Casques bleus qui seraient envoyés au Darfour. Le Conseil de sécurité des Nations Unies (Onu) a voté, jeudi, par 12 voix sur 15 (abstention de la Chine, de la Russie et du Qatar), la résolution 1706 prévoyant un renforcement de la force de maintien de la paix en poste dans la province occidentale. Alors que le Mouvement de libération du Soudan (ex-principal mouvement rebelle) a accepté le texte proposé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, le gouvernement soudanais l’a été rejeté. Un conseiller présidentiel, Majzoub al-Khalifa a jugé le texte « totalement inacceptable », estimant qu’il pourrait « inciter à la sédition ». Mais comme le consentement du pouvoir en place n’est pas « exigé », la force pourrait tout de même être envoyée. Une éventualité qui aurait fait dire au Président du pays est-africain que son Etat était prêt à se battre contre les soldats onusiens comme le Hezbollah contre Israël.
17 300 soldats soutenus par 3 300 policiers
La résolution avait pour but de jeter les bases du transfert de la mission de l’Union africaine au Soudan (Muas), qui compte quelque 7 000 soldats chargés de superviser une trêve précaire, à la Mission des Nations Unies au Soudan (Minus), actuellement forte de 12 273 militaires. Selon le document, les Casques bleus passeraient à 17 300 soldats, qui seraient soutenus par 3 300 policiers, qui, sous le chapitre VII de l’Onu, pourront recourir à la force en cas de mise en danger de la paix et de personnels de l’organisation internationale.
Le texte est destiné à soulager l’organisation panafricaine, dont la force, sous-équipée, sous-financée et qui n’est pas vraiment parvenu à protéger la population, avait fait part de son incapacité à prolonger son mandat, qui doit s’achever le 30 septembre. « S’ils (l’Union africaine) sont incapables de poursuivre leur mission au Darfour après le 30 septembre, alors ils doivent être partis à cette date. Dans le même temps, ils n’ont aucun droit de transférer cette mission à l’ONU ou à tout autre instance internationale. Ce droit est du seul ressort du gouvernement du Soudan », a indiqué Jamal Ibrahim, un porte-parole du ministère soudanais des Affaires Etrangères. Plutôt, Khartoum souhaite déployer 10 000 de ses hommes au Darfour, où la guerre a fait, en plus de trois ans, entre 180 000 et 300 000 morts et quelque 2,4 millions de déplacés et émigrés.
« Déterminés à vaincre n’importe quelle force étrangère »
Mais le gouvernement, qui mène depuis plus d’une semaine des raids et des bombardements contre une faction rebelle au Nord, pourrait ne pas avoir le choix. La résolution stipule certes que l’envoi des soldats onusiens sera « fondé sur [son] accord » et il réaffirme le respect « à l’égard de la souveraineté, de l’unité, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale du Soudan ». Mais la secrétaire d’Etat américaine adjointe aux organisations internationales, Kristen Silverberg, indique que la résolution 1706 « invite à obtenir l’accord du Soudan », mais que rien « ne l’exige ».
Le Soudan n’entend pas rester les bras croisés. Selon des médias gouvernementaux, le Président Omar al-Bachir a annoncé : « Nous sommes déterminés à vaincre n’importe quelle force étrangère qui entrera dans le pays, comme le Hezbollah a battu les troupes israéliennes. (…) Nous sommes opposés au déploiement de forces américaines, britanniques ou de n’importe quelles forces imposées par le Conseil de sécurité de l’Onu ». Le chef de l’Etat, qui avait averti que le Darfour serait le « cimetière » des éventuels Casques bleus, a par ailleurs ajouté que « le peuple et l’armée soudanais [étaient] en position de réservistes pour le Liban et la Palestine ».
D’aucuns estiment que la situation devient inquiétante. Selon le journal Le Monde, le coordinateur humanitaire des Nations Unies pour le Soudan, Manuel Da Silva, a déploré, jeudi, la mort de douze travailleurs humanitaires, « tués dans la région en 2006, pour la plupart au cours des deux derniers mois ». On constate aussi une hausse des viols et massacres, alors que le secrétaire général adjoint onusien chargé des Affaires humanitaires, Jan Hegeland, craint une « catastrophe sans précédent » pouvant faire des centaines de milliers de morts si la situation ne s’améliore pas. D’autres responsables de l’Onu estiment, pour leur part, que le Darfour peut sombrer à tout moment dans une guerre totale.