Le Soudan du Sud vit dans l’émoi et la consternation après la diffusion de vidéos montrant des exactions commises par l’armée soudanaise à l’encontre de civils sud-soudanais et soudanais, dans la ville de Wad Madani, récemment capturée lors de la guerre en cours au Soudan. Ces images horribles, qui circulent largement sur les réseaux sociaux, ont choqué la population sud-soudanaise, déclenchant une vague d’indignation et de manifestations à Juba. Retour sur les origines du conflit qui secoue le Soudan depuis plusieurs années et qui a des répercussions dramatiques sur la région, notamment au Soudan du Sud.
La guerre au Soudan trouve ses origines dans une longue histoire de tensions ethniques, politiques et sociales exacerbées par des luttes pour le pouvoir et les ressources. Le Soudan, un pays d’Afrique du Nord-Est, a été en proie à des conflits internes depuis des décennies, notamment la guerre civile qui a duré plusieurs décennies et qui a opposé le gouvernement central du Soudan aux rebelles du Sud. Ce conflit a finalement conduit à la séparation du Sud et à la création du Soudan du Sud en 2011, après un référendum largement soutenu par la population sud-soudanaise. Cependant, cette partition n’a pas mis fin aux conflits dans la région, loin de là.
Le Soudan a continué d’être secoué par des tensions internes, notamment entre les différentes factions du gouvernement et des groupes paramilitaires. Depuis la fin de la guerre civile, les divisions entre le Nord et le Sud se sont exacerbées, alimentées par des luttes de pouvoir, des rivalités ethniques et des accusations réciproques de violences et d’abus. Cette situation a été exacerbée par des années de négligence des autorités soudanaises envers certaines régions, comme celles de l’Ouest et du Darfour, où la répression des rébellions a mené à des massacres de civils.
Les atrocités à Wad Madani
Le déclenchement de cette guerre, en 2023, a été marqué par un affrontement entre les forces loyalistes du gouvernement et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), qui sont accusés d’avoir joué un rôle clé dans la guerre au Darfour et d’être responsables de nombreuses atrocités contre les civils. Les tensions entre ces groupes ont fini par dégénérer en un conflit ouvert, avec des combats intensifiés par les influences extérieures et des puissances régionales qui ont pris position pour ou contre les différentes factions.
Les vidéos diffusées depuis le Soudan montrent l’ampleur de la violence dans les zones sous contrôle gouvernemental. À Wad Madani, des membres de l’armée soudanaise ont été filmés en train d’arrêter, d’exécuter et de mutiler des civils, principalement des Sud-Soudanais et des Soudanais originaires de l’Ouest du pays, dans des scènes de terreur insoutenables. Ces actes, qui semblent motivés par un désir de vengeance contre les FSR, sont perçus comme une revanche brutalement injustifiée contre des innocents. Cette violence gratuite a choqué non seulement les Sud-Soudanais, mais également la communauté internationale.
L’ambassadeur soudanais à Juba convoqué
Le gouvernement sud-soudanais a réagi rapidement en convoquant l’ambassadeur soudanais à Juba. Le sous-secrétaire aux Affaires étrangères, John Samuel Bowgo, a exprimé la préoccupation des autorités de Juba. Il a demandé que les autorités soudanaises permettent une mission d’enquête et d’aide humanitaire à Wad Madani. « Il est essentiel de recueillir des informations sur ces crimes et de prendre des mesures pour protéger les civils », a-t-il déclaré. Le gouvernement soudanais, de son côté, a tenté de minimiser les événements en qualifiant ces actes de « violences commises par des membres de milices » et en promettant une enquête.
Cependant, cette réponse a été jugée insuffisante par de nombreuses organisations de défense des droits humains, qui appellent à une enquête indépendante. Les atrocités commises à Wad Madani ont ravivé les tensions à Juba, la capitale du Soudan du Sud. Des manifestations ont éclaté le 16 janvier, avec des jeunes du pays exprimant leur colère face aux violences subies par leurs compatriotes au Soudan. Ces protestations ont pris une tournure violente, avec des attaques et des pillages ciblant des commerces tenus par des Soudanais.
Enquêter sur les crimes commis à Wad Madani
Le gouvernement sud-soudanais a répondu en ordonnant un couvre-feu et en renforçant les mesures de sécurité, mais les troubles ont continué, alimentés par une profonde colère et une quête de justice. La société civile sud-soudanaise a appelé à une intervention rapide pour évacuer les Sud-Soudanais coincés au Soudan, de nombreux réfugiés étant pris dans les combats. Taban Paride Lokasmoi, président du syndicat national de la jeunesse, a déclaré que ces attaques étaient particulièrement dévastatrices pour les réfugiés sud-soudanais et a exhorté le gouvernement à demander l’aide des Nations Unies pour les rapatrier dans des lieux sûrs.
En outre, il a souligné la nécessité de la mise en place d’une commission d’enquête internationale pour enquêter sur les crimes commis à Wad Madani. La guerre au Soudan a des répercussions bien au-delà des frontières soudanaises. Elle affecte directement le Soudan du Sud, ainsi que d’autres pays voisins. Le conflit au Soudan est loin d’être résolu, et ses conséquences continuent de déstabiliser la région. Si les violences à Wad Madani montrent l’ampleur des exactions, elles révèlent aussi les fractures profondes au sein du Soudan.