Le Soudan reste largement, pour le grand public, une terre archéologique inconnue, désertique pour la plus grande part. Le livre que publie Jacques Reinold aux éditions Errance, Archéologie au Soudan, jette un coup de projecteur salvateur sur les civilisations nubiennes.
La Nubie constitue, depuis quelques décennies, un nouveau champ d’exploration et de découvertes pour les archéologues soucieux de remonter le cours des civilisations africaines, en amont de la civilisation égyptienne, pour retracer l’histoire des premiers empires que la terre d’Afrique a portés.
L’album fouillé et précis que vient d’y consacrer Jacques Reinold met systématiquement en lumière les découvertes réalisées sur l’ensemble des sites de l’actuel Soudan, depuis les premiers gisements néolithiques d’El Kadada au Soudan central jusqu’aux vestiges de l’époque des royaumes nubiens, Napata et Méroé, en passant par les ruines presque indétectables hier du premier empire africain, le Royaume de Kerma, mises au jour par le grand archéologue genevois Charles Bonnet…
Premier empire africain
« Il a fallu attendre les recherches récentes effectuées par la Mission de l’Université de Genève en amont de la troisième cataracte pour que soit révélée l’existence, à cette période, d’une culture originale relevant d’un développement indépendant de l’Egypte. Désignée par le terme ‘pré-Kerma’, elle se développe aux environs de 3000 et avec celle de la civilisation de Kerma », explique Jacques Reinold.
« Cette culture est connue grâce à la découverte d’une importante agglomération sur ce site. Composée de près de 300 fosses-silos entourées de huttes et de palissades, son architecture évoque clairement une origine africaine. » Ainsi l’histoire de l’Occident, 3000 ans avant Jésus-Christ, prenait-elle lentement naissance en Nubie.
L’Occident est né en Nubie
Le premier grand royaume à atteindre une puissance significative est pourtant un peu plus tardif, vers 2500 avant Jésus-Christ, et sa capitale, en amont de la troisième cataracte, se situe à 4 km des premiers établissements ‘pré-Kerma’. Cette civilisation s’étend sur un territoire immense, allant de la deuxième à la quatrième cataracte.
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Au moment de son apogée, elle menacera, entre 2050 et 1750 environ, le puissant voisin du Nord, le « Moyen-Empire » égyptien, qui établira pour s’en protéger de puissantes forteresses, renforçant la barrière naturelle constituée par la deuxième cataracte. Aux alentours de 1500 avant notre ère, les rois de Kerma étendent leur contrôle jusqu’à la Basse Egypte et prennent possession des forteresses frontalières.
Ainsi la Nubie fut-elle le berceau d’une civilisation brillante dont le rayonnement fut un temps équivalent à celui de la terre des Pharaons. Saluées par Jean Leclant dans sa préface, les découvertes de Charles Bonnet et de son équipe ont donné sa vraie mesure à l’une des premières grandes civilisations africaines connues, jusque là considérée comme un simple comptoir éloigné de l’Empire égyptien… L’histoire est parfois victime de myopie, et l’archéologie vient, fort heureusement, corriger les perspectives qu’elle fausse.
Pour en savoir plus : Commander le livre publié chez Errance Editions.