Le Sénégal, un pays de plus en plus corrompu


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Afrobaromètre vient de publier le résultat de son dernier sondage sur la perception de la corruption par les Sénégalais. Il ressort que pour la majorité des Sénégalais, la corruption est en hausse dans le pays. Mais dans le même temps, il se développe au sein de la population une peur de dénoncer les actes de corruption par crainte des représailles.

La corruption : un phénomène en hausse

Le fléau de la corruption a connu une hausse au Sénégal, au cours des douze derniers mois. C’est ce qui ressort du dernier sondage réalisé par Afrobaromètre, le réseau panafricain de recherche par sondage, qui s’intéresse aux questions relatives à la démocratie, à la gouvernance, et à la qualité de vie. Selon ce sondage, 75% des Sénégalais estiment que la corruption s’est accrue dans le pays au cours de la période indiquée.

Au nombre des catégories socio-professionnelles les plus touchées par la corruption, selon les Sénégalais, il y a d’abord les gendarmes et les policiers. Près de la moitié de la population sénégalaise (47%) pense que la plupart d’entre les gendarmes et les policiers ou eux tous sont corrompus. Entre 2017 et 2021, le pourcentage de Sénégalais qui pense que la corruption est très élevée au sein de ces deux corporations est passé de 29 à 47%, soit une augmentation de l’ordre de 18%. 4 Sénégalais sur 10 ayant eu affaire à la police ont déclaré avoir versé des pots-de-vin pour se tirer d’ennui.

Les gendarmes et les policiers sont talonnés par les députés à l’Assemblée nationale. À ce niveau, le pourcentage est passé de 24% en 2017 à 37% en 2021, soit un bond de 13% ; les conseillers municipaux ou départementaux (23% en 2017 à 36% en 2021), soit une augmentation de 13% également. Les juges et magistrats figurent aussi parmi les personnes les plus corrompues de la République, avec une croissance du taux de perception de la corruption de l’ordre de 12%, passant de 24% en 2017 à 36%, quatre ans plus tard. Pour les Sénégalais, la Présidence héberge son lot de corrompus. Entre 2017 et 2021, le taux de corruption perçue est passé de 23% à 34%, soit une progression de 11%.

Les fonctionnaires et les membres du gouvernement ne sont pas épargnés par le phénomène. En 2017, 26% des Sénégalais étaient convaincus de la corruption au sein de cette catégorie ; en 2021, ils sont 33%, ce qui traduit une augmentation de l’ordre de 7%. Au bas de l’échelle, il y a les chefs traditionnels chez qui le phénomène a progressé de 3%, passant de 9 à 12% au cours de la période considérée, et les leaders religieux chez qui le taux de 8% observé en 2017 est resté stagnant quatre ans plus tard.

La peur de dénoncer les auteurs

Une des idées-forces de l’enquête d’Afrobaromètre concerne la réticence des Sénégalais à dénoncer les actes de corruption par crainte de représailles. En effet, la grande majorité des Sénégalais (77%) pense qu’il y a de sérieux risques à faire des dénonciations. Par rapport au degré de pauvreté, c’est surtout les moins nantis parmi les Sénégalais qui sont animés par cette crainte (79% contre 73% pour les plus nantis). Concernant l’appartenance politique, il est clairement ressorti que les « les partisans de l’opposition (85%) redoutent le plus des représailles en cas de dénonciation d’actes de corruption que les personnes apolitiques (78%) et les partisans du pouvoir (73%) ».

L’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) : une institution utile, mais inefficace

Créé en 2012 pour juguler le phénomène de la corruption au Sénégal, l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) est bien vu par la majorité des Sénégalais. En revanche, aux yeux de la plupart d’entre eux, cette structure a perdu en efficacité au fil des années. En 2021, à peine 17% des Sénégalais ont une appréciation positive des performances du gouvernement dans la lutte contre la corruption, contre 55% en 2013. Inversement, 32% parmi eux avaient émis, en 2014, une appréciation négative des performances du gouvernement en la matière contre 77% en 2021. Pour la majorité des Sénégalais, l’OFNAC paraît donc inefficace.

En conclusion de son enquête, Afrobaromètre recommande aux autorités sénégalaises de « garantir l’anonymat des dénonciateurs ou des lanceurs d’alerte, soutenir les organisations non-gouvernementales opérant dans le secteur de la lutte contre la corruption, promouvoir l’accès à l’information et la liberté de la presse, tout en sanctionnant toute personne impliquée dans ces affaires » de corruption.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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