Phénomène répandu, la sexualité précoce des jeunes au Sénégal a un impact négatif sur la natalité, estime un professeur de médecine de Dakar. Trop tôt sollicités, victimes de MST à répétition, les organes des deux sexes deviendraient moins féconds.
Une pénurie de spermatozoïde menacerait le Sénégal. La situation – fruit d’une « mise à l’épreuve » trop précoce des organes génitaux masculins – risquerait d’avoir une incidence significative sur la démographie dans les dix ans à venir si l’on y prend garde. Loin d’une plaisanterie sous l’arbre à palabres, ce constat scientifique ressort d’une étude réalisée par M. José Marie Afoutou, professeur à la faculté de médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Au Sénégal comme dans bien d’autres pays africains, la sexualité précoce des jeunes se généralise et pose un réel problème aux autorités sanitaires. En témoigne, entre autres, la prostitution des mineures qui prend de l’ampleur dans les grandes capitales africaines, à la faveur de la crise économique et – selon M. Afoutou – de la déresponsabilisation parentale.
Mais ce phénomène social tragique ne serait que la partie visible de l’iceberg. Au Sénégal, d’après une étude du Programme national de lutte contre le sida (PNLS) réalisée en 1997, les jeunes ont leurs premières relations sexuelles à l’âge de treize ans. Des rapports aux conséquences incalculables pour ces jeunes lorsqu’ils se marient. Il a été prouvé que les maladies sexuellement transmissibles (MST) ont des conséquences très sérieuses et parfois irréversibles sur les sécrétions génitales de sperme.
Baisse plus significative chez les jeunes
Gynécologue – obstétricien et professeur à la faculté de médecine et de pharmacie de Dakar, José Marie Afoutou a réalisé une étude de numération de spermatozoïdes chez les jeunes Sénégalais et Africains de Dakar. Ses résultats sont édifiants. En 1976, les jeunes de 30 ans avaient une moyenne de 20 millions de spermatozoïdes/ml, ce qui correspond à la moyenne internationale. En 1990, ce chiffre était tombé à 12 millions de spermatozoïdes/ml. « Il y a eu globalement une réduction de spermatozoïdes/ml pendant cette décennie » observe le professeur, « mais la baisse est beaucoup plus significative chez les jeunes que parmi les personnes âgées ».
Cette carence de spermatozoïdes s’appelle l’azoospermie. Elle est liée, explique notre interlocuteur, au fait que, très tôt, « les jeunes utilisent trop leurs organes génitaux alors qu’ils sont encore immatures ». Des analyses du professeur Afoutou, il ressort que « les jeunes hommes ont des relations sexuelles dans lesquelles ils s’efforcent d’accomplir des exploits pour séduire les filles et démontrer leur virilité. Ce qui conduit à une utilisation excessive des testicules qui, en fin de compte, sont fatigués. Ainsi, la situation est comparable à un cheval épuisé qui finit par s’effondrer quand on le cravache » souligne M. Afoutou. Il note encore : « Les testicules et les canaux peuvent toujours produire du sperme mais ont des difficultés à éjaculer correctement ». L’étude révèle aussi que 25% des adultes présentent des anomalies liées à la quantité, la mobilité et à la qualité du sperme. Dans les années 1970, indique le professeur, le niveau d’azoospermie chez les jeunes de 25 ans était de 2 %. Il a maintenant augmenté jusqu’à 25 %.
Cancers de la prostate
Pour les jeunes filles, une MST telle que le chlamydia entraîne une inflammation qui cause des obstructions et empêche le passage des ovules. Dans la même optique, le professeur Afoutou soutient qu’ « il n’y a rien de plus dangereux pour une fille que d’être sexuellement active avant 16 ans, avant la maturité de ses organes génitaux ».
Fort de ces données, le professeur Afoutou conclut que les MST combinées à la sexualité précoce font que les filles ont du mal à concevoir et que les garçons sont eux incapables de produire le sperme de qualité nécessaire à la fécondation. « Si cette tendance se poursuit, remarque le gynécologue, d’ici 2010-2025, le taux de stérilité atteindra 25 %, la probabilité d’un cancer de la prostate augmentera de 10 % et celle d’un cancer du col de l’utérus sera multipliée par cinq. »