L’Assemblée nationale du Sénégal a introduit mardi des dérogations au principe de non-rétroactivité des lois, inscrit dans la Constitution, afin de pouvoir juger Hissène Habré pour crimes contre l’humanité. La justice sénégalaise est mandatée par l’Union africaine pour la tenue du procès du « Pinochet tchadien », soupçonné d’être responsable de milliers d’assassinats politiques.
Il n’y a plus d’obstacle légal à la tenue au Sénégal du procès d’Hissène Habré, l’ex-chef d’Etat tchadien au pouvoir de 1982 à 1990. Mardi, l’Assemblée nationale a adopté une modification de l’article 9 de la Constitution du pays, lequel article stipule que « nul ne peut être condamné si ce n’est en vertu d’une loi entrée en vigueur avant l’acte commis ». Hissène Habré, poursuivi pour crimes contre l’humanité, ne pouvait être jugé par un tribunal sénégalais sans l’introduction de dérogations à ce principe de non-rétroactivité. Désormais, celui-ci n’est plus applicable aux actes de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité.
« Le Sénégal a le devoir de se conformer à son engagement international et ne doit pas constituer un repaire ou un paradis pour d’éventuels criminels ou auteurs d’actes de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité », a déclaré Cheikh Tidiane Sy, le ministre de l’Intérieur qui assurait l’intérim du ministre de la Justice, au cours d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale.
Hissène Habré avait trouvé refuge à Dakar après avoir été renversé par l’actuel président tchadien Idriss Déby. En 2005, la Belgique, au nom de la loi de compétence universelle, avait lancé un mandat d’arrêt international contre le « Pinochet africain ». Les autorités sénégalaises l’avaient arrêté quelques mois plus tard, avant d’être mandatées en 2006 par l’Union africaine pour organiser le procès. La justice sénégalaise s’était dans un premier temps déclarée incompétente à juger l’ancien président tchadien, avant de s’engager à modifier sa Constitution. De plus, le Sénégal a longtemps différé ses obligations faute de moyens financiers : le coût du procès avait été estimé, en mai 2007, à plus de 43 milliards de francs CFA (soit plus de 65 millions d’euros).
En 1992, un rapport publié par une commission d’enquête tchadienne accusait Hissène Habré et son gouvernement de 40.000 assassinats politiques, ainsi que d’actes systématiques de torture et de brutalité.
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