Le Sénégal s’est déclaré vendredi incompétent pour se prononcer sur la demande d’extradition d’Hissène Habré vers la Belgique. L’ancien Président tchadien, accusé de graves violations des droits de l’Homme entre 1982 et 1990, et arrêté le 15 novembre dernier à Dakar, devrait être libéré « très bientôt » selon ses avocats.
Ce vendredi, la justice sénégalaise s’est déclarée incompétente pour se prononcer sur la demande d’extradition d’Hissène Habré vers la Belgique. Le juge Lamine Coulibaly, lisant la décision finale, a déclaré que son tribunal n’était « pas compétent pour statuer sur l’ordre d’extradition ». Dans le cadre de la loi sur la compétence universelle, la justice belge réclame l’extradition de l’ancien Président tchadien sur la base d’une plainte déposée en 2000 par trois Belges d’origine tchadienne. Ils accusent Habré de « violations graves » des droits de l’Homme durant sa présidence (1982-1990) : 40 000 assassinats et plus de 200 000 cas de tortures ont notamment été répertoriés dans une enquête gouvernementale au Tchad.
Chassé du pouvoir par l’actuel Président Idriss Déby, Hissène Habré est réfugié au Sénégal depuis 15 ans. Il avait été arrêté le 15 novembre dernier à Dakar, et placé sous mandat de dépôt, en vertu d’un mandat d’arrêt international délivré par la justice belge. Selon des sources diplomatiques françaises, citées par Libération, l’ancien chef d’Etat pourrait être extradé vers un autre pays africain. Quant à l’un de ses avocats, Me Doudou Ndoye, il a annoncé que son client allait être remis en liberté « bientôt », peut-être même « dès ce vendredi ».
Dilemme diplomatique
La demande d’extradition divise depuis 10 jours les Sénégalais, une majorité se prononçant contre l’extradition d’Habré, certains au nom de la « terenga » (hospitalité) sénégalaise, d’autres préférant que l’ex-Président soit jugé en Afrique. L’affaire pose également un dilemme diplomatique au Président Wade qui a déclaré il y a quelques jours qu’il consulterait l’Union africaine pour savoir s’il doit ou non extrader celui que l’on surnomme le « Pinochet de l’Afrique ».
Dans un communiqué conjoint, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho), basée au Sénégal, l’Organisation nationale des droits de l’Homme (ONDH), la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH), la Ligue belge des droits de l’Homme et la Liga voor Menschenrechten, expriment leur « indignation » au regard de la décision de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar. Ces associations rappellent qu’en « tant qu’Etat Partie à la Convention des Nations Unies contre la torture, le Sénégal a l’obligation, en cas de présence sur son territoire d’une personne suspectée d’actes de tortures, de la ‘juger’ ou de ‘l’extrader’ vers l’Etat qui le lui demande. Il incombe aujourd’hui au Président sénégalais Abdoulaye Wade de trancher en avalisant le décret d’extradition ».
L’impunité d’Hissène Habré sera-t-elle consacrée par Wade ? Si l’ex-président tchadien n’est pas extradé, le gouvernement belge a d’ores et déjà fait savoir qu’il pourrait porter l’affaire devant la Cour internationale de justice basée à La Haye. « Pour le moment, nous examinons l’arrêt rendu à Dakar et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la porte reste ouverte », a déclaré Me Georges-Henri Beauthier, qui représente les parties civiles.
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