Auteur de très nombreux portraits photographiques dans les années 1950, Mama Casset fut un artiste laissant une galerie exceptionnelle. Son oeuvre est le témoignage sensible d’un Sénégal disparu.
Mama Casset n’est pas seulement, historiquement, le premier photographe indépendant du Sénégal : c’est aussi un véritable artiste, révélé par l’exposition lors du mois de la photographie de Dakar en 1992 de plusieurs dizaines de ses portraits réalisés dans les années 1950. Quelques mois avant cette exposition, le vieil homme décéderait, ignorant cette reconnaissance posthume de son oeuvre.
Les Editions de la Revue Noire ont repris au format de poche cette galerie exceptionnelle où la société noire de Dakar pose pour la postérité. Mama Casset était en particulier réputé pour ses portraits de dames, et leurs coiffures, comme leurs robes, sont toujours soigneusement apprêtées pour l’occasion exceptionnelle que constitue le passage par le studio du photographe.
Les poses sont précisément calculées, le cadrage longuement préparé : certaines sont venues à deux, ou trois, voire en bande : des amies, des soeurs, des voisines ? Avec qui avaient-elles choisies d’être ainsi immortalisées ? Les sourires sont parfois timides, parfois provocants, ou au contraire un peu inquiets, comme si l’issue de la photo était incertaine, peut-être dangereuse. Certaines au contraire se prêtent au jeu avec le naturel désarmant de l’enfance, amusées de l’aventure, comme ces deux soeurs qui paraissent saisies dans une chorégraphie classique, se relevant gracieusement dans un océan de taffetas où se distinguent mal les contours de leurs deux robes.
D’autres poses ont été conçues pour mettre en valeur les dessins des robes de fête dans lesquelles les clientes étaient venues pour la se faire photographier : ainsi cette belle jeune femme de profil, penchée vers l’avant sur un tabouret dont on ne distingue qu’un pied, et qui déploie l’immense rosace centrale d’un tissu dont le noir et blanc du cliché dissimule à grand peine le chatoiement originel.
Quelques couples, également, dans cette galerie de dames : peu de photos donnent autant le sentiment d’un temps disparu, mystérieusement ressaisi. Deux frères, sans doute, l’aîné et le cadet, le première vêtu d’un costume traditionnel, le second en costume européen, un stylo glissé dans la poche de sa veste : il se tiennent un peu maladroitement la main, comme s’ils se disaient au-revoir, sur cette image qui les rapproche pourtant pour l’éternité. Mais cette image dit leur histoire, mieux qu’un roman ou un rapport d’enquête… Enfin quelques hommes seuls, dont la pose, le vêtement, la montre, le sourire, disent la satisfaction qu’ils retirent de leur réussite.
En bref, toute l’humanité retrouvée : Mama Casset, c’est Proust à Dakar.
Mama Casset, les précurseurs de la photographie au Sénégal, Editions de la Revue Noire.