Les Sénégalais sont de plus en plus tenaillés par une hausse vertigineuse des prix des denrées de première nécessité et autres produits alimentaires. Une hausse imputée à la guerre en Ukraine et à la fermeture de la frontière avec le Mali.
La ménagère sénégalaise continue de pleurer son panier qui se dégarnit de jour en jour. La raison, une hausse vertigineuse des prix des denrées de première nécessité. Que cela soit le riz, le lait, le sucre, la tomate concentrée et même les pâtes alimentaires, tous les prix des denrées ont grimpé en flèche au point de renforcer la tension alimentaire déjà existante. Au marché central de Thiès (70 km de Dakar), le mot est donné. Par les commerçants qui adoptent le même barème de prix pour les denrées, mais aussi les clients qui crient tous au scandale et en appellent à l’Etat qui, disent-ils, doit sévir.
« Comment comprendre que tous les prix grimpent de la sorte, en une semaine. C’est de la malhonnêteté. Même ceux qui avaient gardé leurs anciens stocks ont fait monter les prix. Tous les commerçants fixent le même prix. Comme s’ils se sont concertés. En fait, c’est ça, ils se sont tous donnés le mot et ont décidé de commun accord d’harmoniser leurs prix. C’est de la mauvaise foi et ils se disent des croyants, surtout à l’approche du ramadan », se désole cette femme, panier en main, avec seulement un sachet de tomates fraîches, quelques feuilles d’oseille et un bout de poisson dont on aperçoit facilement la queue.
Elle n’aura pas terminé son propos lorsqu’une autre dame l’interrompt. « Ce sont tous des voleurs. Tous malhonnêtes, car ils font ce qu’ils veulent », lance-t-elle, visiblement dépitée. Foulard de tête défait, les deux côtés pendants au niveau de ses épaules larges du fait d’une forte corpulence, celle-ci, qui éprouve quelques difficultés de mobilité, liées à la charge pondérale, fulmine avec un long tchiip. « Tous des malhonnêtes. Ils ne vivent que de biens mal acquis, sur le dos des Sénégalais. Et les voilà qu’ils se dirigent vers le mois de ramadan pour espérer avoir des bénédictions. Mon œil ! Ils ne récolteront que des péchés, car c’est ce qu’ils auront semé. Ces commerçants me dégoûtent », balance-t-elle à la face d’un vendeur de denrées alimentaires.
Ce dernier ne trouvait pas les mots devant la colère de la dame, à part insister que « cette situation est indépendante de notre volonté ». Trop facile comme excuse, estime une autre cliente, moins agressive, car elle aura au moins souri en s’adressant au commerçant qu’elle avait en face et qui lui livrait les deux kilogrammes de pomme de terre qu’elle avait commandés. « On nous dit que les prix ont monté à cause de la guerre en Ukraine. Qu’est-ce que nous ici au Sénégal avons-nous à voir avec ce qui se passe en Ukraine », se demande le commerçant, qui impute la hausse à son grossiste. « Il parait que c’est l’Ukraine et la Russie qui nous fournissent le blé, pourtant le prix du pain n’a pas augmenté depuis le début de la guerre. Pourquoi les autres prix alors », demande un jeune homme, mandaté par sa mère acheter de la pâte d’arachide.
La réponse viendra d’une autre bonne dame qui change de cap et lui fait comprendre que certaines denrées, comme le gingembre, certaines farines et même des fruits, commencent à prendre la tangente, « car ils provenaient généralement du Mali et de la Guinée et transitaient par Bamako avant d’être acheminés au Sénégal via les camions maliens qui effectuaient la navette entre les deux pays ». Lesquels véhicules ne circulent plus entre les deux pays depuis les fameuses sanctions de la CEDEAO. Mais en attendant, les prix montent en flèche. Le sac de lait de 5 kg, jadis vendu à 17 500 FCFA coûte désormais 21 000 FCFA. « Je l’ai acheté en gros à 20 500 FCFA, je ne peux pas le revendre à moins de 21 000 FCFA », nous confie Lamine Wade, commerçant au marché central de Thiès.
Une situation d’inflation qui commence à peser sur les consommateurs du Sénégal, pays dont la population est majoritairement musulmane et se dirige vers un mois de jeûne, pendant lequel, les denrées de première nécessité sont très courues. En tous les cas, coïncidence ou pas, ce mercredi 30 mars 2022, en Conseil des ministres, le Président Macky Sall a doté le pays d’un Directeur du Commerce Extérieur, en la personne du nommé Ansou Souba Badji, Commissaire aux Enquêtes économiques de profession. Il occupe désormais ce poste qui était jusque-là vacant.