La Chine n’est pas un pays étale sa réussite dans les médias. C’est bien le contraire d’ailleurs. Le pays avance discrètement mais surement en masquant ses avancées pour ne pas trop attiser la concurrence internationale.
Dans son article, Michael Dubrovsky, explique comment la Chine est passée d’un taux de grande pauvreté écrasant touchant 60% de la population à un taux de 5% ! Comment une grande étendue agricole est devenue une ville moderne n’ayant rien à envier à New York. Comment le salaire moyen d’un ouvrier a été multiplié par 3 en une décennie. Ce récit est terriblement inspirant pour l’Afrique car, sans faire du copier-coller, le continent pourrait s’inspirer des bonnes recettes en les contextualisant !
Au cours des trois dernières décennies, les Chinois ont connu une amélioration absolument sans précédent de leur niveau de vie. La pauvreté – et nous parlons de la grande pauvreté – est passée d’environ 60% à moins de 5%. Les forêts de gratte-ciel ont pullulé presque du jour au lendemain. La Chine regorge de véhicules électriques, de batteries au lithium et de panneaux solaires, le tout produit localement. Les achats via commerce électronique sont livrés le jour même.
La Chine vient de loin !
À l’origine de cette croissance et de cette prospérité ce n’est pas une machine monolithique de délocalisations, mais bel et bien un boom de l’entrepreneuriat. Entrepreneuriat en Chine? Oui! Bien que pseudo-communiste, parfois libertarien, adoptant le capitalisme de copinage, corrompue, manquant d’état de droit, la Chine offre à bien des égards une voie plus courte à la réussite des entrepreneurs que les Etats-Unis. Non seulement les usines se portent bien en Chine, mais l’esprit d’entreprise s’épanouit dans tous les secteurs, dont plusieurs d’entre eux n’étant pas liés à l’exportation.
Bien sûr, il y a beaucoup de facteurs aidant, mais après avoir passé plusieurs années à organiser le processus de fabrication pour ma start-up en Chine, et ensuite déménager l’assemblage final aux États-Unis (ce qui me donne le point de vue chinois et du Midwest), je dirais que les plus grands contributeurs à la croissance économique en Chine sont les citoyens chinois migrant des régions rurales pauvres de Chine vers les villes de rang I, II et III (Shenzhen étant l’un des meilleurs exemples).
Un boom faramineux
Le cousin de mon collègue « K » a grandi à Shenzhen, une région de terres agricoles. Dans les années 1980, alors qu’il était adolescent, il économisait son petit salaire pendant un mois pour acheter sa spécialité préférée: de la gelée de porc bouilli (une gelée de sang vibrante d’une texture inquiétante que je regrette d’avoir essayée). Après que Shenzhen ait été déclarée la première zone économique spéciale (ZES) en 1980, il a participé à un boom de construction sans précédent, en construisant des immeubles d’habitation de plus en plus grands. En fait, Shenzhen serait irréalisable aux Etats-Unis. C’est une ville qui rivalise facilement avec New York en taille et en splendeur, dont une grande partie a été construite en un clin d’œil. Presque le temps qu’il a fallu au Métro de New York (MTA) pour étendre juste la ligne de train ?7 aux Hudson Yards tout en laissant le reste des lignes du métro tomber dans un délabrement total.
On a fait couler beaucoup d’encre au sujet de tout ce qui ne va pas à Shenzhen et en Chine en général (bien que je soutienne que beaucoup de ces problèmes sont sur le point d’être résolus, notamment la pollution et les bas salaires). Mais, une chose est indéniable: la réussite productive et l’augmentation du niveau de vie des Chinois en l’espace de plusieurs décennies à Shenzhen – et en Chine en général – ont été spectaculaires.
Comment expliquer ce progrès brutal ?
Mais comment Shenzhen est-elle devenue ce qu’elle est aujourd’hui? Qui a construit cette économie de la taille d’un pays sur une parcelle de terres agricoles? Certes, la population autochtone cantonaise y a largement participé, mais la plupart des gens à Shenzhen aujourd’hui viennent d’autres parties de la Chine, y compris des provinces rurales les plus pauvres. Shenzhen est « le rêve américain du 19ème siècle » créé par le gouvernement communiste chinois dans un coin vide du sud de la Chine à la fin du 20ème siècle. Cela a été rendu possible du fait que Shenzhen n’exigeait pas des immigrants de visas ou de changement de nationalité. A l’image de New York qui recevait des hordes d’Européens de l’Est et d’Italiens à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, Shenzhen a grandi grâce à ses immigrants, en passant de 30 000 à plus de 20 millions d’habitants.
La Chine possède à la fois le plus grand réseau de trains à grande vitesse au monde et la plus importante migration annuelle d’immigrants dans le pays vers les provinces les plus pauvres pour rendre visite à leurs familles. Des flux d’«immigrants» d’autres provinces ont fourni à la fois des employés peu rémunérés, motivés et performants et les entrepreneurs nécessaires pour un boom économique (les travailleurs et les entrepreneurs sont souvent les mêmes personnes, remplissant le rôle d’ouvrier jusqu’à ce qu’ils économisent suffisamment d’argent et acquièrent suffisamment de compétences pour devenir entrepreneur).
Il est important de noter que ce n’est pas seulement les bas salaires que ces «intra-immigrants» ont accepté qui ont stimulé la croissance économique. En fait, les salaires des usines ont triplé en Chine au cours de la dernière décennie et sont beaucoup plus élevés que dans des endroits comme le Vietnam. En effet, de nombreuses formes de fabrication primitives à forte intensité de main-d’œuvre sont désormais délocalisées vers d’autres pays, alors que l’industrie chinoise devient de plus en plus sophistiquée, automatisée et innovante.
La Chine est dans une position unique. Elle bénéficie de tous les avantages de l’immigration – un afflux important de pauvres ambitieux prêts à travailler dur pour avoir une vie meilleure, ce qui augmente la productivité dans les zones urbaines, sans pour autant augmenter le niveau de xénophobie (bien qu’inévitablement beaucoup de préjugés existent contre les émigrés ruraux nouvellement arrivés). La Chine ne souffre pas de démagogie nationaliste anti-immigration. Elle a préféré une politique d’ouverture un peu comme si l’Amérique avait décidé d’inclure le Mexique à l’intérieur de ses frontières plutôt que de l’autre côté d’un mur !
L’exemple de la Chine devrait inspirer d’autres continents en quête de développement qui sans copier le modèle, pourraient s’inspirer des bonnes recettes de base.
Michael Dubrovsky, ingénieur-entrepreneur. Article initialement publié en anglais par the Foundation for economic education- Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 17 janvier 2017.